Une cérémonie funéraire est célébrée ce dimanche pour une jeune femme assassinée dans le Mile End début novembre. Sa mort bouleverse le monde des travailleuses du sexe au Québec.

« C’est très triste et épeurant pour nous, les escortes », a indiqué à La Presse une jeune travailleuse du sexe de Québec, qui a demandé de conserver l’anonymat pour se protéger, étant donné la nature de son métier.

Le 5 novembre dernier, le corps d’une jeune femme a été retrouvé dans un appartement du Mile End à Montréal. Dans une autre pièce, Daniel Shlafman, 31 ans, a aussi été retrouvé sans vie.

Lisez « Féminicide présumé dans le Mile End : un quartier sous le choc »

L’enquête policière a déterminé que la femme de 25 ans avait été poignardée avant que l’homme ne se donne la mort. Dans la nuit du 4 au 5 novembre, Daniel Shlafman avait contacté la boulangerie Fairmount Bagel de l’appartement où il se trouvait, qui est situé à un jet de pierre. L’employé dépêché sur place s’était arrêté sur le pas de la porte à la vue d’un premier corps, celui de la jeune femme. C’est un membre de la famille Shlafman, propriétaire de Fairmount Bagel et de l’immeuble où s’était produit le crime, qui s’était ensuite rendu sur les lieux avant de contacter les services d’urgence.

Connu pour sa violence

Daniel Shlafman était connu du milieu de la prostitution à Montréal. « Dans les semaines précédant ce meurtre, son comportement avait [dégénéré]. Il était de plus en plus agressif, violent, parfois un peu déconnecté de la réalité », explique Sandra Wesley, directrice générale de Stella Montréal, organisme de solidarité visant l’appropriation du pouvoir des travailleuses du sexe. « Il y a des femmes qui avaient décidé d’arrêter de le voir, et peu de temps après, il a commis ce meurtre », déplore-t-elle.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Sandra Wesley, directrice générale de Stella Montréal

La nouvelle a secoué le monde du travail du sexe dans la métropole. « C’est très difficile pour la communauté de voir ça et on se sent très impuissant face à ce genre de situation, poursuit Sandra Wesley. On n’a pas de levier, de capacité d’agir sur cette violence-là. Et cette violence-là est encouragée de toutes sortes de façons parce que la société ne reconnaît toujours pas les droits des travailleuses du sexe », martèle-t-elle.

Un double deuil

La jeune femme, originaire de Québec, était nouvelle à Montréal. Sa famille n’était pas au fait de ses activités. « Pour la famille, parfois, c’est comme un deuxième deuil. C’est comme un choc », explique aussi Sandra Wesley, qui a été en contact avec la famille de la jeune femme.

La Presse a décidé de ne pas dévoiler le nom de la victime pour le moment afin de respecter l’intimité des proches. Ses funérailles ont lieu ce dimanche dans sa région d’origine.

Il s’agirait du 18féminicide au Québec en 2021.

Rappelons qu’en janvier 2020, Marylène Lévesque avait été tuée par Eustachio Gallese dans un hôtel de Québec. Celui-ci utilisait ses services sexuels au salon de massage où elle travaillait. Le rapport du coroner rendu public le 9 novembre dernier recommandait le port de bracelet électronique de géolocalisation pour les auteurs d’homicides en libération conditionnelle.

« Ce meurtre-là, résume Sandra Wesley, c’est un de plus dans une longue série de meurtres et d’autres violences qui se passent envers les travailleuses du sexe. »

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse