Source importante de gaz à effet de serre (quand il est à essence) et de pollution sonore, le souffleur à feuilles offre cette année encore une sérieuse concurrence au râteau. Honni par les uns, défendu en haut lieu par d’autres, le souffleur à feuilles cause des tensions entre voisins ou même entre conjoints. Regard sur quelques réglementations sur la question.

Jean Fréchette, résidant d’Outremont, multiplie depuis quatre ans les démarches auprès des élus. Sa revendication ? Pouvoir se promener dans son arrondissement sans être assourdi et empesté par les souffleurs à feuilles.

« Ce bruit est infernal, extrêmement agressant. Il suffit d’un seul appareil pour déranger tout le quartier », dit-il.

L’automne, le vacarme est sans nom, poursuit-il, soulignant que les employés municipaux eux-mêmes les utilisent, comme ceux d’autres arrondissements et de maintes municipalités.

La Californie vient d’adopter une loi interdisant la vente des souffleurs, des tondeuses et des tronçonneuses à essence à partir de 2024. Cet État s’est entre autres appuyé sur une analyse du California Air Resources Board selon laquelle l’utilisation du souffleur le plus vendu aux États-Unis, pendant une heure, crée autant de pollution qu’une Toyota Camry 2017 qui parcourt 1770 kilomètres. Selon des données du département des Transports des États-Unis, les Américains ont consommé en 2018 près de 3 milliards de gallons d’essence avec ces souffleurs, tondeuses et autres équipements du genre utilisés dans le jardin.

Débats houleux à Beaconsfield

Depuis 2018, le souffleur n’est plus autorisé qu’à certaines heures et certaines dates à Beaconsfield, ville à l’ouest de Montréal (c’est aussi le cas à Mont-Royal).

Georges Bourelle, maire de Beaconsfield, se souvient bien à quel point le débat a été houleux. Une conseillère s’est même fait menacer de se faire casser les jambes, et des policiers ont été appelés en renfort lors d’un conseil municipal particulièrement explosif. En tout, 500 résidants ont signé une pétition contre tout règlement, certains entrepreneurs faisant valoir qu’ils utilisaient de tels appareils depuis des décennies sans avoir développé de problèmes liés aux particules émises ou de problèmes auditifs.

Des résidants se faisaient dire par leurs entrepreneurs s’occupant de leur terrain qu’ils ne les prendraient plus comme clients. Un entrepreneur de gouttières qui faisait tout son travail avec des souffleurs a dit à la Ville qu’elle lui volait son gagne-pain.

Le maire relève que certains de ses citoyens, désireux d’avoir des parterres absolument parfaits, ne lésinaient pas sur les moyens.

Des gens utilisaient aussi le souffleur pour sécher leur voiture après l’avoir lavée.

Georges Bourelle, maire de Beaconsfield

Dans son communiqué diffusé en 2018, la Ville de Beaconsfield plaidait que les deux types de souffleurs (électriques et à essence) engendrent des niveaux de décibels bien supérieurs aux limites recommandées (55 décibels) par l’Organisation mondiale de la santé. « […] Les souffleurs à feuilles électriques génèrent en moyenne 80 décibels, et ceux à essence, jusqu’à 115 décibels. À 15 mètres d’un souffleur en usage, les nivaux varient de 62 à 75 décibels. »

Enjeux environnementaux

Philipe Tomlinson, maire de l’arrondissement d’Outremont, donne raison à ses commettants qui se plaignent des souffleurs à feuilles « sur une base régulière », dit-il.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Philipe Tomlinson, maire de l’arrondissement d’Outremont

La majorité des plaintes ont trait au bruit, mais pour nous, l’émission de gaz à effet de serre [que les appareils génèrent] est tout aussi importante.

Philipe Tomlinson, maire de l’arrondissement d’Outremont

Le printemps prochain, il assure que le règlement sera resserré pour limiter les heures d’utilisation et possiblement certains types d’appareils. C’est dans les cartons depuis quelques années, souligne-t-il.

Pourquoi n’avoir pas réglementé l’usage des souffleurs plus tôt ? Philipe Tomlinson évoque certaines embûches juridiques, de même que la pandémie, qui a retardé l’avancement de certains dossiers, comme celui-là.

Il ajoute que Montréal est en train de remplacer « tranquillement pas vite » ses souffleurs à feuilles à essence par des appareils moins polluants.

Par endroits, des heures restreintes

Plusieurs arrondissements de Montréal ont des règlements concernant les souffleurs, notamment celui d’Outremont.

Dans cet arrondissement, le souffleur-aspirateur à feuilles et les « appareils de jardinage motorisé » peuvent être utilisés du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 19 h et le samedi de 10 h à 17 h. Ils sont interdits le dimanche et les jours fériés.

Selon Jean Fréchette, c’est trop peu, d’autant plus que les appareils ne sont pas utilisés que l’automne, mais souvent l’été. Aussi, « la sécurité publique chargée de mettre le règlement en application s’en tient à la seule vérification de l’étiquette [de l’appareil]. J’ai déjà demandé sans succès qu’on effectue un test avec un sonomètre », dit-il.

Dans l’arrondissement de Ville-Marie, il est interdit d’utiliser un souffleur ou un aspirateur à feuilles équipé d’un moteur à deux temps à essence. « Ces équipements sont non seulement bruyants, mais ils émettent [aussi] des gaz à effet de serre et sont néfastes pour les insectes », peut-on lire sur le site internet de l’arrondissement, qui précise que les appareils électriques ou à pile sont aussi interdits les dimanches et après 19 h les autres jours.

Le Plateau Mont-Royal n’a pas de règlement particulier, sauf s’il y a « usage abusif ».

À London, en Ontario – où le souffleur à feuilles fait actuellement débat à l’hôtel de ville –, des entrepreneurs en horticulture ont exposé que c’était l’utilisation inadéquate du souffleur à feuilles qui était problématique, plutôt que les appareils en tant que tels. Certains ont rappelé que deux des plus gros manufacturiers assemblent ces appareils à London même et que cela représente beaucoup d’emplois.

Le syndicat des cols bleus de Montréal ne nous a pas rappelés.