Transcendant, le Plan d’action en matière de valorisation de la langue française présenté par la Ville de Montréal ? Pas vraiment. Puissant ? Moyennement. Utile ? Sans aucun doute.

Tous les gestes qui peuvent être faits en ce moment pour aider le français à garder la tête hors de l’eau, particulièrement dans la métropole, sont cruciaux. En ce sens, il faut saluer le geste de Valérie Plante qui met en place une série d’actions visant à protéger la place du français dans « la plus grande ville francophone d’Amérique ».

À quelques mois des prochaines élections municipales, la mairesse de Montréal s’aventure sur le terrain miné et risqué de la défense du français. Soulignons sa témérité !

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse Valérie Plante a présenté une série d’actions visant à protéger la place du français à Montréal.

Cela risque de déplaire à la population anglophone. Elle le sait sans aucun doute. Les mesures proposées, même si certaines sont plus mignonnettes que musclées, ne seront pas très populaires auprès d’un certain électorat qui n’aime pas se faire rappeler que Montréal est d’abord et avant tout une ville francophone.

Cela dit, le plan d’action auquel Cathy Wong, responsable de la langue française au sein du comité exécutif, travaille depuis un an doit composer avec les limites des compétences dont dispose la Ville de Montréal.

Comme Valérie Plante l’a dit : la Ville de Montréal ne sera pas la « police » de la langue française. Mais elle peut très certainement jouer un autre rôle.

C’est pourquoi il est surtout question de « rayonnement » et de « promotion » dans ce plan. Grosso modo, il s’agit de mesures, accompagnées des termes « sensibiliser », « promouvoir », « accroître » ou « susciter l’intérêt », qui assureront une présence du français dans divers secteurs.

Parmi les mesures qui figurent dans ce plan de 18 pages, il y a l’exemplarité. L’illustration de cela passe par l’obtention des certificats de francisation que Montréal est en train de réunir à la suite d’une pression exercée par Simon Jolin-Barrette, ministre responsable de la Langue française. Il faut dire que l’administration présente s’est retrouvée avec une situation qui perdurait depuis de nombreuses années.

La ville-centre a obtenu son certificat, de même que 13 arrondissements sur 19. On me dit que d’autres certificats doivent être délivrés très bientôt par l’Office québécois de la langue française.

Valérie Plante fait preuve d’audace en promettant l’exemplarité. Elle s’expose aux critiques de la population et des médias qui vont scruter à la loupe le moindre écart ou faux pas. Une autre allocution en anglais devant des entrepreneurs, comme ce fut déjà le cas, serait fatidique.

Il sera très intéressant de voir comment on entend la promotion du français auprès des différents acteurs du secteur commercial. La Ville de Montréal entend passer par les sociétés de développement commercial et les associations de marchands pour « favoriser » l’usage du français dans les commerces.

Quel sera l’impact réel de cette opération ? Il est difficile de le prévoir. Ces mesures doivent être accompagnées, à mon avis, d’une approche coercitive, sinon peu de changements sont à prévoir. Et pour cela, c’est Québec qui doit intervenir.

Dans un monde idéal, le document de la Ville de Montréal aurait dû accompagner ou suivre le plan que doit présenter Simon Jolin-Barrette et dont le dépôt se fait toujours attendre. Déjà, lorsque j’ai rencontré le ministre en octobre dernier, il piaffait d’impatience de le dévoiler.

Cinq mois plus tard, les artisans de ce plan ambitieux doivent encore faire preuve de patience, le gouvernement ayant d’autres chats à fouetter avec les défis de la pandémie.

Valérie Plante répète qu’elle veut travailler avec Québec pour freiner le recul de la langue française. Pourquoi n’a-t-elle donc pas conjugué la présentation de son plan de promotion à celle de Jolin-Barrette ?

Cathy Wong a rappelé lundi que Québec a stoppé des subventions qui permettaient à Montréal de promouvoir le français sur son territoire, notamment dans des lieux de culture. C’est au tour de la Ville de mettre de la pression sur Québec pour obtenir ce qu’elle veut.

Il est formidable de voir Ottawa (il ne faut pas oublier le plan déposé par Mélanie Joly, ministre des Langues officielles, en février dernier), Montréal et Québec se soucier quasi simultanément de l’avenir du français au pays, notamment dans la métropole.

Mais où est la cohésion ? Où est le travail d’équipe ? Où est la collaboration ?

On découvrira sans doute une complémentarité à tout cela une fois que les trois ordres de gouvernement auront fait leurs annonces. Mais qui attachera les ficelles ?

On veut sauver le français chacun avec ses outils, avec ses moyens. On veut le faire en pièces détachées. Maintenant qu’on a la volonté, pouvons-nous parler d’union et de force de frappe ?

Qui des trois, entre Mélanie Joly, Simon Jolin-Barrette et Valérie Plante, osera maintenant proposer une rencontre au sommet pour parvenir à cet objectif ? Cela convaincrait les citoyens que l’on veut vraiment venir à la rescousse du français.