(Montréal) Les Premières Nations n’ont pas l’intention d’attendre que le gouvernement accouche d’un nouveau rapport sur le racisme pour agir. Elles entendent prendre les choses en main en dévoilant un plan d’action à la fin du mois dont le but est d’interpeller l’ensemble de la société à changer les choses.

En juin dernier, dans la foulée de l’affaire George Floyd aux États-Unis et des manifestations antiracisme au Québec, le premier ministre François Legault a annoncé la création d’un groupe d’action composé uniquement d’élus de son gouvernement.

Le groupe coprésidé par les ministres Lionel Carmant et Nadine Girault a pour mandat de formuler des recommandations cet automne pour lutter contre le racisme.

Au moment de la création du comité, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, avait déploré l’absence de représentants autochtones et critiqué la manie du gouvernement de toujours les consulter après ses annonces.

François Legault avait toutefois promis que les Premières Nations seraient consultées par le comité, mais selon le chef Picard, il n’y a toujours eu aucune communication.

« On a acheminé une lettre vers le début du mois d’août et c’est silence radio, on n’a eu aucune réaction jusqu’à maintenant », affirme le chef en fonction depuis 1992.

Ghislain Picard ne cherche pas à empêcher le gouvernement de poursuivre ses travaux, mais souhaite apporter sa contribution.

« Nous, ce qu’on dit c’est que pour la partie Premières Nations, on a finalement plus confiance en nous-même et en ces moyens qu’on va se donner », résume l’homme originaire de la communauté innue de Pessamit.

Dans ses critiques contre la démarche du gouvernement caquiste, le chef de l’APNQL rappelait que toutes les recommandations concrètes nécessaires pour agir ont déjà été écrites et recopiées dans de très nombreux rapports de commissions au fil des ans.

« Juste sur la question policière, on en compte 13 depuis la fin des années 60 », avait-il raillé en entrevue à La Presse Canadienne. Pour prouver la futilité de l’exercice, son organisation s’est justement affairée à trier les recommandations existantes.

« Ce qu’on s’est dit, c’est au lieu de réinventer la roue, on va prendre ces rapports-là et on va essayer d’en dégager ce qui semble à nos yeux réalisable et réaliste en termes d’actions à poser », explique M. Picard.

La différence, c’est qu’au lieu de s’adresser uniquement aux politiciens, les Premières Nations souhaitent désormais mobiliser la population.

« Ce n’est pas pour mettre au défi les gouvernements, mais pour nous mettre au défi “nous” comme société. Autant de notre côté de la clôture que de l’autre côté, c’est-à-dire la société québécoise », explique celui qui parle au nom de 43 chefs du Québec et du Labrador.

Déclaration des Nations unies

Dimanche, l’APNQL a fait paraître un communiqué pour souligner le 13e anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Un engagement qu’Ottawa appuie sans toutefois en appliquer les principes.

Au Québec, l’Assemblée nationale a adopté une motion à l’unanimité, en octobre 2019, pour appuyer les principes de la déclaration et s’engager à négocier son application avec les Premières Nations.

De récentes déclarations du premier ministre François Legault laissent cependant croire que son gouvernement n’a pas vraiment l’intention d’aller de l’avant.

« On ne voudrait pas non plus qu’on se retrouve dans une situation où on donnerait un droit de veto sur tous les projets économiques ou en tout cas sur plusieurs projets économiques », a-t-il déclaré le mois dernier lors d’une visite à Chibougamau.

Des paroles que le chef Ghislain Picard associe à une mauvaise lecture du document.

« Dans la déclaration, il n’y a pas un seul passage qui parle de “droit de veto”. On parle de consentement préalable libre et éclairé et c’est cela qu’il faut définir. C’est sur cette base-là que l’on veut engager le gouvernement », explique le leader autochtone.

Pour l’instant, le chef Picard se réjouit que des municipalités du Québec adoptent des résolutions pour appuyer la déclaration onusienne et dit espérer qu’un appui populaire puisse un jour mettre assez de pression sur le gouvernement pour le forcer à agir.