Le problème des automobilistes qui ne s’arrêtent pas aux passages protégés pour piétons interpelle le comité exécutif de la Ville de Montréal, qui veut implanter une série de mesures afin de protéger les usagers de la route les plus vulnérables.

« Historiquement, culturellement, on ne respecte pas assez la sécurité des piétons à Montréal, explique en entrevue Éric Alan Caldwell, membre du comité exécutif responsable de l’urbanisme, du transport et de l’Office de consultation publique de Montréal. On doit voir une évolution. On doit développer une obsession pour la sécurité du piéton. »

M. Caldwell note que les piétons constituent « le pire élément de notre bilan routier ». L’an dernier, 18 personnes se déplaçant à pied sont mortes et 87 autres ont été blessées gravement sur les routes de Montréal, des nombres en hausse par rapport à 2017.

Les aînés et les enfants sont surreprésentés dans les morts de piétons au Québec par rapport à leur poids dans la population, selon la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Le comportement de tous les usagers de la route n’est pas au niveau qu’il devrait être. C’est une responsabilité partagée, et là, il y en a qui ne la partagent pas.

Éric Alan Caldwell

Parmi les champs d’intervention ciblés par la Ville de Montréal, on compte l’aménagement, la sensibilisation et la répression. « On peut réduire les temps de traverse, améliorer la signalisation, le marquage… On peut travailler sur plusieurs fronts. »

M. Caldwell note que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), la SAAQ et le ministère des Transports sont réunis à Montréal autour de la table du plan d’action Vision zéro, qui vise à éliminer les morts sur les routes de la métropole. « Nous avons trois chantiers sur la sécurité des piétons, et l’un touche directement à la traversée de la rue. Plusieurs éléments sont à l’étude, dont la répression, et une meilleure cohabitation pour tous les usagers de la route. Je n’en suis pas à faire des recommandations, mais il y a des discussions sur ces enjeux précis. »

Vendredi dernier, La Presse a passé la journée à observer les interactions entre piétons et automobilistes à un passage protégé du quartier Rosemont, à Montréal. Entre 7 h 30 et 17 h 30, nous avons recensé 116 situations où le conducteur d’un véhicule a omis de s’immobiliser pour laisser passer en priorité une personne qui voulait traverser le boulevard Rosemont, dont plusieurs enfants qui rentraient de l’école.

>(Re)lisez : Passages protégés pour piétons, « même les policiers n’arrêtent pas »

L’an dernier, le SPVM a remis 1714 constats d’infraction à des automobilistes pour ce type de violation, soit moins de 5 constats par jour pour l’ensemble du territoire de Montréal.

« Complètement aberrant »

Le non-respect des passages protégés pour les piétons a interpellé le Dr Alain Vadeboncoeur, urgentologue, chef du service de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et professeur agrégé à l’Université de Montréal.

Mardi après-midi, le Dr Vadeboncoeur a lancé une pétition en ligne afin d’inciter le gouvernement du Québec à hausser les pénalités pour les automobilistes qui ne respectent pas les passages protégés.

« Ça fait au moins 10 ans que je me pose la question, dit-il. C’est l’un des grands mystères de notre société : comment ça se fait qu’on n’est pas capables d’internaliser le bon comportement devant un passage protégé pour les piétons ? »

Tu vas en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Europe : tout le monde arrête. C’est tout à fait direct, tout à fait normal. Ici, c’est comme si c’était impossible à intégrer.

Le Dr Alain Vadeboncoeur

Le Dr Vadeboncoeur propose de faire tripler le montant des amendes, qui passeraient ainsi de 100 $ à 300 $, d’imposer 3 points d’inaptitude, et d’accompagner le tout d’un « blitz policier » afin de faire appliquer la loi.

« On devrait faire comme on a fait avec l’alcool au volant, ou avec les dépassements d’autobus scolaires immobilisés, c’est-à-dire rehausser les pénalités. J’imagine que les gens ont besoin de ce petit coup de pouce pour mieux réfléchir à ça. Je sais que la SAAQ fait des publicités, mais ça ne semble pas être suffisant. »

En soirée, plus de 450 personnes avaient signé la pétition, partagée sur les réseaux sociaux par les animateurs Paul Arcand et Dany Turcotte, notamment.

À Québec, Florence Plourde, attachée de presse du ministre des Transports, François Bonnardel, a semblé écarter la question d’une modification du Code de la sécurité routière, qui a été modifié en 2017.

« La sécurité de tous les usagers du réseau est une priorité pour le ministre et la dernière réforme du Code de la sécurité routière est récente, a-t-elle noté. Des changements importants ont été implantés pour la sécurité des piétons et la SAAQ a mené et mènera encore des campagnes de sensibilisation. Le changement des comportements demande du temps et nous allons poursuivre notre travail en ce sens. »

L’article 410 du Code de la sécurité routière stipule que le conducteur d’un véhicule routier doit immobiliser son véhicule lorsqu’un piéton s’engage ou manifeste clairement son intention de s’engager dans un passage pour piétons. À Montréal, la contravention est de 100 $ pour un automobiliste et de 80 $ pour un cycliste. Ce constat d’infraction ne comporte pas de points d’inaptitude.