(Québec) Les employés de l’État qui oseront défier la loi 21 sur les signes religieux s’exposeront à diverses sanctions, pouvant aller jusqu’au congédiement.

Et ceux qui entreprendront des recours judiciaires pour contester cette loi trouveront le gouvernement Legault sur leur chemin.

La loi 21 sur la laïcité de l’État a été adoptée sous bâillon dimanche et elle doit déjà s’appliquer.

Elle est même rétroactive au 27 mars. Les personnes visées par la loi et embauchées par le gouvernement depuis le 28 mars n’ont pas le droit de porter des signes religieux.

Les autres possèdent un droit acquis, mais uniquement tant qu’elles continuent à exercer leurs fonctions actuelles, au sein de la même organisation. Si leur plan de carrière change, elles devront se départir elles aussi de leurs signes religieux. Le « droit acquis » vise le poste et non la personne qui l’occupe.

Il est donc désormais interdit à plusieurs catégories d’employés de l’État de porter des signes religieux durant l’exercice de leurs fonctions : notamment, les juges, policiers, procureurs de la Couronne, gardiens de prison, directeurs d’école et enseignants du primaire et du secondaire du secteur public.

La loi prévoit que « tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef » sera considéré comme étant un « signe religieux », s’il est porté « en lien avec une conviction ou une croyance religieuse » ou encore s’il est « raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse ».

Il n’y a aucune mention visant la taille de l’objet en question : minuscule ou ostentatoire, le signe religieux est désormais prohibé.

Par exemple, s’ils ont été embauchés depuis la fin mars, une enseignante portant un hijab et un policier arborant un kirpan s’exposeront à des sanctions disciplinaires, pouvant varier selon les conventions collectives, s’ils refusent de les enlever.

« Les mesures disciplinaires peuvent s’appliquer et c’est la gradation des sanctions qui s’applique », a confirmé le ministre Simon Jolin-Barrette en mêlée de presse, lundi.

Les diverses conventions collectives encadrant les employés de l’État prévoient une gradation dans les sanctions imposées allant jusqu’au congédiement, en cas de non-respect des lois.

Dès la prise du pouvoir, début octobre, la vice-première ministre Geneviève Guilbault n’avait pas caché les intentions du nouveau gouvernement.

Les employés de l’État récalcitrants devront choisir entre l’expression de leur foi et leur emploi : les deux ne pourront plus cohabiter, disait-elle.

« S’ils font le choix de ne plus occuper cet emploi, à ce moment-là ce sera leur choix », a-t-elle affirmé le 3 octobre.

Lundi, le ministre responsable, Simon Jolin-Barrette, a justifié le dépôt, à la dernière minute dimanche, d’amendements incluant des mesures de surveillance et l’imposition de correctifs visant à assurer l’application de la loi. L’opposition libérale a qualifié l’initiative de « police de la laïcité ».

« Les employés de l’État seront congédiés sur la base de la religion, là est toute la question », a déploré en entrevue téléphonique la porte-parole sur cet enjeu, la députée de Marguerite-Bourgeoys, Hélène David, qui craint dans ces circonstances une détérioration du climat social.

L’opposition libérale déplore notamment le fait que la loi laisse une large place à l’arbitraire et à l’interprétation de ceux qui seront chargés de l’appliquer, qu’on pense aux directions des commissions scolaires.

Il « faudrait des guides, des directives » pour aider les gestionnaires à s’y retrouver, constate la députée. « Bonne chance, dit-elle, à un pauvre directeur d’école pris avec ça. »

Elle s’est montrée déçue aussi de voir le ministre refuser d’associer le « droit acquis » prévu dans la loi à la personne au lieu du poste occupé.

Le ministre Jolin-Barrette a réaffirmé lundi que sa loi, aux yeux du gouvernement, reposait sur des bases solides. En cas de contestation judiciaire, déjà annoncée, « le gouvernement défendra avec fermeté et conviction sa loi », a-t-il soutenu.

Crucifix

Quant au crucifix installé derrière le trône du président de l’Assemblée nationale, il devrait être décroché comme prévu avant la reprise des travaux parlementaires à la mi-septembre.

Rappelons qu’une motion a été adoptée à l’unanimité récemment pour retirer le crucifix du Salon bleu, dans une logique d’affirmation de la laïcité de l’État québécois.

Par extension, le ministre a indiqué qu’il reviendra au ministre de l’Éducation de décider si les crucifix accrochés dans les écoles devront être retirés ou laissés en place. Même scénario pour les palais de justice, qui relèvent de la ministre Sonia LeBel.

Immigration

Le ministre Jolin-Barrette a aussi fait adopter sous bâillon durant le week-end le projet de loi 9, qui prévoit une refonte des critères de sélection des nouveaux arrivants, désormais axés sur les compétences professionnelles.

Le ministre a confirmé lundi qu’environ 12 000 dossiers de candidats à l’immigration, représentant plus de 30 000 personnes, seront éliminés, en raison du changement de règles.

Ces dossiers étaient en attente de traitement. Si ces personnes sont toujours intéressées à émigrer au Québec, elles devront reprendre tout le processus depuis le début.

Il y avait au départ 18 000 dossiers du genre, au moment du dépôt du projet de loi en février. Québec en aura traité 2000 au cours des derniers mois, en raison d’un ordre de la cour. De plus, le gouvernement a finalement accepté de traiter les dossiers de quelque 5700 personnes déjà établies au Québec, mais sans statut, qui avaient rempli leur demande au Québec en fonction de l’ancien système basé sur le principe du premier arrivé, premier servi.

Le ministre a assuré que le nouveau système de sélection, Arrima, collé aux besoins de main-d’œuvre des employeurs, était déjà « opérationnel ».

Il devrait préciser dans les prochaines semaines comment il va fonctionner.