(Montréal) Il faudra beaucoup de temps pour que la situation revienne à la normale dans les zones sinistrées par les inondations et la sécurité civile s’apprête à ouvrir un nouveau front sur la rivière Richelieu cette semaine.

Les dernières prévisions d’Environnement Canada laissent entrevoir quelque 40 millimètres de pluie dans le sud du Québec, une quantité qui ne sera probablement pas aussi importante dans le corridor de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent, mais qui n’épargnera pas le lac Champlain.

Selon Éric Houde, de la sécurité civile, « la rivière Richelieu va se mettre à monter aussi. On va tomber en inondation moyenne », a-t-il confié à La Presse canadienne.

On s’attend ainsi à des débordements dans la Baie Missisquoi et le long de la rivière Richelieu entre le lac Champlain et le barrage de Chambly, soit dans les mêmes secteurs qui avaient été durement touchés en 2011, notamment la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Bilan cumulatif impressionnant

Un tel dénouement viendrait encore gonfler des chiffres déjà impressionnants.

Les bilans fournis quotidiennement par la sécurité civile, faut-il le préciser, ne comprennent que les maisons inondées et les sinistrés évacués au moment où ils sont publiés.

Ainsi, alors que le bilan de mardi soir fait état de 7053 résidences inondées et de 10 474 personnes évacuées, le bilan cumulatif obtenu par La Presse canadienne démontre que, depuis le début des inondations, 182 municipalités ont été touchées, 9070 résidences et 273 commerces ont été inondés et pas moins de 12 034 citoyens ont été évacués.

Par ailleurs, on compte jusqu’ici 82 glissements de terrain répertoriés et 760 routes touchées. Il ne s’agit toutefois pas toutes de routes fermées, loin de là, mais de routes qui ont été soit inondées, soit encerclées ou affectées par la crue des eaux.

Les entraves les plus importantes demeurent la fermeture de l’autoroute 20 à la hauteur de l’île Perrot en raison d’un niveau d’eau trop élevé dans le chenal Proulx, sous le pont reliant l’île Claude à l’île Perrot et des sections des routes 117 et 158 dans les Laurentides.

Un long « tunnel »

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, faisait preuve d’un optimisme modéré, mardi matin, en affirmant que l’on pouvait voir « la lumière au bout du tunnel », mais tout indique que ce tunnel sera encore très long.

« Dans les montagnes au nord du Saint-Laurent, il y a encore beaucoup de neige. Même chose en Abitibi à la tête du bassin des Outaouais », a rappelé Éric Houde.

« À un moment donné, les barrages vont devoir faire sortir de l’eau pour absorber la fonte des neiges. C’est pour ça que ça va être haut longtemps ; les secteurs de Quyon et de Fort Coulonges (le long de la rivière des Outaouais, plus au nord), ça va continuer de monter dans ce coin-là parce qu’ils n’ont pas le choix que de sortir de l’eau », a-t-il ajouté.

« Faire sortir l’eau », dans le vocable des équipes qui œuvrent sans relâche sur le terrain, est relié au fait de devoir alléger la pression sur certains barrages qui la retiennent dans d’immenses réservoirs, plus au nord dans les terres.

Barrages : encore un peu de jeu

Or, le gouvernement fédéral, qui gère le complexe des barrages du lac Témiscamingue en Abitibi, a avisé la population sur les rives de l’immense plan d’eau que « les niveaux d’eau sur le tronçon de la rivière des Outaouais et sur le lac Témiscamingue devraient dépasser les conditions normales d’exploitation ».

Dans un communiqué diffusé mardi, Ottawa précise que le niveau d’eau actuel dans la partie nord du lac Témiscamingue « devrait continuer d’augmenter d’environ 20 centimètres par jour au cours de la semaine » et qu’il est possible « que le niveau maximal d’exploitation de 179,56 mètres soit atteint ou même dépassé d’ici la fin de la semaine ».

« Ce réservoir (le lac Témiscamingue) se trouve dans une situation où il est plus plein et il doit commencer à laisser passer les apports qui se présentent au barrage », a expliqué le chef de la production et de la planification chez Hydro-Québec, Hugo Sansoucy, en entrevue avec La Presse canadienne.

En contrepartie, les trois grands réservoirs d’Hydro-Québec qui alimentent le bassin versant de la rivière des Outaouais, les réservoirs Cabonga, Dozois et Baskatong, ont plus de marge de manœuvre et on peut se permettre d’attendre encore.

Lors des inondations de 2017, par exemple, le réservoir Baskatong avait atteint 96 % de sa capacité et il avait été nécessaire de relâcher la pression. Cette année « on est loin de là », affirme Hugo Sansoucy.

En fait, on n’a pas encore eu besoin de déverser d’eau du réservoir Cabonga, on en a déversé un peu du réservoir Dozois et certaines quantités du Baskatong, surtout pour créer de l’espace pour la fonte.

« Le Cabonga, on ne voit pas le besoin (de déverser) pour l’instant, mais au cours des prochaines semaines, la semaine prochaine ou l’autre après, on va commencer à augmenter les débits soutirés du Baskatong et du Dozois », a expliqué M. Sansoucy.

« Mais ça va correspondre à la décrue des cours d’eau dans le sud du bassin. Ça va ralentir la décrue, mais à mesure que les débits vont diminuer dans les rivières du sud, on va se permettre de soutirer plus d’eau de ces réservoirs pour contrôler leur remplissage », a-t-il précisé.

Quant au fameux barrage de la Chute-Bell, sur la rivière Rouge, dont le débordement a provoqué une évacuation d’urgence et fait craindre la rupture, Hugo Sansoucy assure que le pire est passé : « Le débit diminue. Il va y avoir des inspections avant que les gens puissent réintégrer leurs maisons. Il faut laisser le débit diminuer encore un peu pour pouvoir faire les inspections qui vont nous rassurer sur l’état du barrage et ça devrait se passer dans les prochains jours ».

Hausses encore possibles

Pendant ce temps, les mouvements à la hausse et à la baisse continuent de varier d’heure en heure dans le corridor Gatineau-Trois-Rivières, ce qui tend à donner raison aux experts qui affirment que le plateau est sur le point d’être atteint.

Cependant, en raison de ces variations, on ne sent pas vraiment de plateau sur le terrain et les sinistrés devront attendre de voir des baisses régulières avant d’avoir la confirmation qu’ils sont bel et bien sur la voie du rétablissement.

Il reste 11 secteurs considérés en inondation majeure. Parallèlement, les niveaux d’eau dans presque tous les endroits considérés en inondation moyenne sont en baisse.

Inondation majeure

-Lac des Deux Montagnes, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en baisse

-Lac des Deux Montagnes, à Terrasse-Vaudreuil, en hausse

-Lac des Deux Montagnes, à Pointe-Calumet, en hausse

-Rivière de la Petite Nation, en amont de Ripon, en hausse

-Rivière des Mille Îles, en amont du barrage du Grand-Moulin à Deux-Montagnes, en hausse

-Rivière des Mille Îles, en aval du barrage du Grand-Moulin à Deux-Montagnes, en hausse

-Rivière des Mille-Îles, à Bois-des-Filion, en baisse

-Rivière des Outaouais, à la marina de Hull, en baisse

-Rivière des Outaouais, à la Baie Quesnel, en baisse

-Rivière des Outaouais, à la Baie de Rigaud, en hausse

-Rivière Gatineau, au pont du boulevard Fournier, en baisse

Inondation moyenne

-Fleuve Saint-Laurent, à Trois-Rivières, en baisse

-Fleuve Saint-Laurent, au lac-Saint-Pierre, en baisse

-Lac des Deux Montagnes, Sainte-Anne-de-Bellevue, en hausse

-Lac Maskinongé, à Saint-Gabriel-de-Brandon, en baisse

-Rivière des Prairies, à la tête des rapides du Cheval Blanc, en baisse

Inondation mineure

-Fleuve Saint-Laurent, à Montréal, près du boulevard LaSalle, en hausse

-Fleuve Saint-Laurent, à Lanoraie, en baisse

-Fleuve Saint-Laurent, à Bécancour, en baisse

-Fleuve Saint-Laurent, à Port-Saint-François, en baisse

-Fleuve Saint-Laurent, à Sorel, en hausse

-Lac Aylmer, au quai de Stratford, en baisse

-Lac Champlain, dans la baie Missisquoi à Saint-Armand, en baisse

-Lac Champlain, à Rouses Point, en baisse

-Lac des Trente et Un Milles, à Sainte-Thérèse-de-la-Gatineau, en baisse

-Lac Memphrémagog, à Memphrémagog, en hausse

-Lac Saint-Louis, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en baisse

-Rivière Désert, en amont de la chute Rouge, en hausse

-Rivière des Outaouais, à Ottawa au parc Britannia, en hausse

-Rivière du Diable, en amont du pont de la route 117, en baisse

-Rivière du Lièvre, en amont du pont-route 311 à Lac-Saint-Paul, en baisse

-Rivière Maskinongé, au pont du CN près de Sainte-Ursule, en baisse

-Rivière Matawin, en aval du pont-route 131 à Saint-Michel-des-Saints, en baisse

-Rivière Noire, en amont du pont-route à Sainte-Émélie-de-l’Énergie, en hausse

-Rivière Picanoc, sur le chemin du Lac-Cayamant à Gracefield, en baisse

-Rivière Richelieu, à Carignan aux rapides Fryers, en baisse

-Rivière Richelieu, à Saint-Jean-sur-Richelieu, en baisse

-Rivière Richelieu, à Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix, en baisse

-Rivière Rouge, en amont de la chute McNeil, en baisse

-Rivière Saint-François, au lac Aylmer à Weedon, en hausse

-Rivière Saint-François, en aval du barrage Aylmer, en hausse

Rivières en plans d’eau sous surveillance

-Lac Louise, à Weedon, en hausse

-Lac Saint-Louis, à Pointe-Claire, en hausse

-Rivière Chaudière, en aval du barrage Mégantic, en hausse

-Rivière Chaudière, au pont-route 271 à Saint-Georges, en hausse

-Rivière Croche, en aval du ruisseau du Huard, en hausse

-Rivière des Mille Îles, à Terrebonne, en hausse

-Rivière du Nord, en amont du pont du CN à Saint-Jérôme, en baisse

-Rivière du Nord, au pont de la route 148 à Lachute, en hausse

-Rivière du Nord, en aval du pont du CP près de Sainte-Agathe-des-Monts, en hausse

-Rivière L’Assomption, au pont-route 158 à Joliette, en baisse

-Rivière Madawaska, en aval du barrage Témiscouata, en baisse

-Rivière Ouareau, à la tête des chutes Dorwin, en baisse

-Rivière Saint-Charles, en amont de la Lorette, en baisse