La femme d'affaires Isabelle Hudon a été «envahie de beaucoup de fierté» lorsqu'on lui a proposé de devenir la première femme à occuper le prestigieux poste de chef de mission du Canada auprès de la République française. Et elle n'a «aucun regret» d'avoir accepté.

Elle a pris sa décision après avoir sollicité les conseils d'une dizaine de personnes, dont des diplomates en fonction, d'ex-ambassadeurs et des gens issus du secteur privé. «Et, chose intéressante, aucune des personnes à qui j'ai parlé m'a dit «Ne fais pas ça'», dit-elle en riant.

Mais Isabelle Hudon, récipiendaire d'une médaille de l'Assemblée nationale soulignant son engagement pour la cause de l'ambition féminine, a aussi tâché de suivre les enseignements qu'elle prodigue elle-même aux femmes.

«J'enseigne beaucoup aux femmes le fait que, quand on reçoit un appel pour relever un nouveau défi, la seule question qu'on doit se poser, c'est "Est-ce que ça me tente ou pas" et non pas "Est-ce que je vais être capable, est-ce que je vais être bonne"», explique-t-elle.

«Je me suis soumise aux mêmes règles (...) et j'ai conclu que je sautais. Et je n'ai aucun regret», poursuit Mme Hudon, ajoutant qu'en confiant pour la première fois à une femme les clés de l'ambassade à Paris, le gouvernement «envoie un signal clair, pas juste à la France».

La recrue diplomatique compte s'installer dans l'Hexagone en novembre. Il est «clair dans (son) mandat» que la première mission sera de faire la promotion de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE), dit-elle en entrevue à La Presse canadienne.

Le traité commercial est actuellement en vigueur, mais de façon provisoire. Pour s'appliquer dans son intégralité, il doit être ratifié par les Parlements nationaux et régionaux des États membres de l'Union européenne - dont celui de la France, qui ne l'a pas encore fait.

«Il y a un besoin urgent de faire atterrir les grands principes de cette entente-là», de la «vulgariser» pour en «faire comprendre les bienfaits», et «inciter, entre autres, le milieu des affaires à en tirer parti», soutient Mme Hudon.

Ex-présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Mme Hudon a été entre 2010 et 2014 présidente de la Financière Sun Life au Québec. Elle a fait partie du palmarès des 100 femmes les plus influentes du Canada à plusieurs reprises.

Mais avant d'accumuler ces faits d'armes au Québec inc., elle s'était fait les dents en politique fédérale. À la fin des années 1980, elle a suivi à Ottawa son père, Jean-Guy Hudon, qui a été député au sein du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney.

«J'ai grandi en politique. Le milieu politique a été mon université», raconte celle qui a notamment été attachée de presse pour la ministre responsable de la défunte Agence canadienne de développement international (ACDI).

C'est après cette expérience en politique qu'elle a pris la direction de la France avec le père de son enfant. Elle y a demeuré pendant plus d'un an. Et dans quelques semaines, elle s'y réinstallera, pour un mandat dont la durée est normalement de cinq ans.

«Le Canada et la France sont de vrais partenaires, et Isabelle Hudon nous aidera à bâtir un avenir encore plus fort», a écrit sur Twitter la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, quelques heures après l'annonce de la nomination diplomatique.

Le porte-parole du Parti conservateur en matière d'affaires étrangères, Erin O'Toole, a applaudi la désignation d'Isabelle Hudon. «Cette femme au parcours exceptionnel saura sans aucun doute représenter notre pays avec brio», a-t-il prédit dans une déclaration écrite.

Sa collègue néo-démocrate Hélène Laverdière a également eu de bons mots pour la recrue diplomatique, dont elle a salué le «parcours impressionnant» tant comme chef d'entreprise québécoise que comme «militante pour les femmes dans le monde des affaires».

«Je crois qu'en sa qualité d'ambassadrice, Mme Hudon réussira à renforcer les liens économiques et culturels entre la France, le Québec et tout le Canada», a déclaré Mme Laverdière.

Le Bloc québécois n'a pas souhaité réagir à la nomination.

Avec la désignation d'Isabelle Hudon, la parité hommes-femmes des ambassadeurs canadiens auprès des pays du G7 est atteinte.

La femme d'affaires prendra la place de Lawrence Cannon dans les bureaux parisiens du Canada au 35, avenue Montaigne.

Ce dernier a écrit vendredi sur Twitter qu'il complétait le mandat que lui avait confié l'ancien premier ministre Stephen Harper «enrichi de toutes ces rencontres» et «honoré d'avoir servi» son pays en tant qu'ambassadeur.