Le Plan Nord a plutôt mauvaise presse dans les grands centres du Québec, où l'idée de créer de la richesse à partir de l'exploitation des ressources naturelles est interprétée à la lumière de grilles d'analyse qui ne correspondent pas toujours à la réalité qui prévaut sur le terrain... Les informations exclusives dévoilées par le journaliste Marc St-Hilaire dans notre édition de mardi, à l'effet que des entreprises de la région ont présentement de la difficulté à obtenir le remboursement de sommes dues par des multinationales étrangères qui effectuent des travaux de développement d'envergure dans le Nord du Québec, ne feront certes rien pour améliorer certaines perceptions à cet égard. Au contraire, elles ne sont pas sans soulever des questions épineuses, même ici, quant au contrôle de l'État sur ce qui se passe sur son propre territoire.

Vigilance

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les impacts du projet cher au premier ministre Jean Charest sont nombreux et visibles. Plusieurs entreprises embauchent et prennent de l'expansion. Certaines ont du mal à gérer la croissance! Dans certains corps de métier professionnels, il y a pénurie de main-d'oeuvre. On recherche même des infirmières et des spécialistes reliés au domaine du commerce et des services afin de les «expédier» dans le nord en soutien aux travailleurs qui y sont déployés.

Bref, le Plan Nord a des retombées économiques concrètes dans la région. Et ces retombées sont encore plus importantes si on inclut dans le bilan celles engendrées dans les années qui y ont précédé le coup d'envoi officiel du projet et qui y sont tout de même liées. Il y a eu d'abord les travaux de doublement de la route 175 dans la Réserve faunique des Laurentides, mais aussi, et surtout, la vague de chantiers entourant la construction de plusieurs ouvrages hydroélectriques dans le Moyen Nord de la province. Ces projets ont permis à des dizaines d'entreprises saguenéennes et jeannoises de développer une expertise, un savoir-faire unique, dans ce type de projets, ce qui est porteur d'avenir.

Mais si le Plan Nord a donc certainement un effet locomotive pour l'économie régionale, il convient néanmoins d'être vigilant devant les faiblesses du programme. Ainsi, il ne faut pas oublier que tous les projets de développement prévus au nord dépendent de la demande sur les marchés. Si la demande pour la ressource tombe, les projets battent de l'aile automatiquement. L'État doit avoir une stratégie claire à cet égard.

De plus, comme le démontrent avec éclat les problèmes de paiements vécus actuellement par des entreprises du Saguenay-Lac-Saint-Jean, les multinationales qui souhaitent exploiter les ressources naturelles québécoises sont... des multinationales. Ce qui implique que leurs sièges sociaux sont situés hors du pays, dans plusieurs cas à l'autre bout du monde. Difficile, localement, d'en rejoindre les hauts dirigeants, encore plus de faire pression sur eux! Devons-nous rappeler le cas Novelis? Le poids du gouvernement doit se faire sentir. Là aussi, il faut un plan dans le Plan Nord.

Contrôle

D'autant plus que certaines informations glanées par Le Quotidien laissent entrevoir des problèmes d'encadrement, de suivi de la part du gouvernement, en regard de certains chantiers effectués dans le contexte du Plan Nord qui se déroulent simultanément. Le projet a démarré sur les chapeaux de roues, mais pour bien «passer» dans l'opinion publique, il doit apparaître comme totalement contrôlé par Québec. De toute façon, ce dossier ambitieux doit être totalement contrôlé par l'État, car on parle ici de l'exploitation des ressources collectives de la province. Il faut donc des retombées concrètes et mesurables. Et il faut que les citoyens aient confiance dans l'action du gouvernement.

Sans aucun doute, l'exploitation des ressources nordiques sera profitable à l'économie du Saguenay-Lac-Saint-Jean et à celle du Québec. L'État doit cependant agir avec célérité, exercer un suivi rigoureux des activités qui s'y déroulent. C'est d'autant plus vrai dans un contexte où une grande partie de la population doute toujours du potentiel économique du projet et se montre méfiante et très critique envers ses élus. Au risque que le Plan Nord subisse le même sort que l'exploitation des gaz de schiste, un projet qui aurait pu avoir des répercussions très positives, mais qui se retrouve aujourd'hui sur la voie de garage parce qu'il a été mal présenté et mal géré, sur la place publique, par le gouvernement du Québec.