Elle ne passe pas inaperçue dans la paisible municipalité de Pintendre, au sud de Québec. Grande, costaude, seins énormes, vertigineux escarpins rouges.

Julie, alias Alyson Queen, 27 ans, copropriétaire du salon de massage érotique Alyson et Jenny de Québec, vient de recevoir son dernier client et doit faire quelques courses avant d'aller chercher son fils à l'école. Partout où elle passe, les gens l'arrêtent pour lui parler. L'ancienne barmaid connaît beaucoup de gens. «Allo Julie!», lance plus loin le meilleur ami de son fils Loïc, 6 ans.

C'est lui qu'elle va chercher dans une école située à l'orée d'un bois. Elle ressort de l'établissement en traînant derrière elle son petit bonhomme, un sac à dos de Spider-Man sur l'épaule.

Ensemble, ils partagent un coquet demi-sous-sol à proximité de l'école. Julie élève son fils seule depuis qu'il a 2 mois. «Sac! Boîte à lunch!», lance-t-elle en poussant la porte de l'appartement. Sans poser de question, le garçonnet range le contenu dans le frigo et va porter son sac d'école dans sa chambre aux couleurs de Flash McQueen. Pendant que Julie vide le lave-vaisselle et prépare le souper, Loïc profite de sa permission spéciale. Ce soir, il pourra jouer avec sa console de jeux vidéo dans le salon.

Maman a des trucs de grandes personnes à raconter.

À 18 ans, Julie a quitté la maison pour devenir barmaid. Elle abandonne du coup ses études collégiales. «J'étais un peu trop sur le party!», avoue-t-elle.

Elle tombe enceinte à 20 ans. Le père parti, elle trouve son rôle de mère difficile à concilier avec le monde des bars.

Elle retourne aux études et déniche un travail de soir dans l'assurance. Elle trouve qu'elle ne voit pas son fils assez souvent. Elle décide alors de faire des massages érotiques. «J'ai toujours aimé le sexe, dit-elle simplement. J'ai répondu à une annonce dans le journal. J'ai cessé de me demander ce que je voulais faire dans la vie.»

Le souper est prêt. Couscous. Loïc retourne dans le salon avec son assiette. Il y a un film de Disney à la télévision.

Parallèlement à son travail dans un salon de massage, Julie raconte des histoires érotiques sur l'internet. Une sorte de journal de bord torride. Ses aventures lubriques attirent l'attention d'une radio de Québec, à laquelle elle se met à collaborer régulièrement le midi.

Elle rencontre alors un programmeur, qui s'avère aussi être producteur pour la boîte de films Pegas. Ce dernier l'invite à la fête de plage annuelle, où plusieurs scènes de films sont tournées. Julie a une révélation. «Je n'avais jamais voulu faire de films, ce n'est pas assez payant. Mais mon Dieu que je me suis amusée! Je me suis sentie comme chez moi.»

Sa passion, c'est le massage. Les films, c'est un bonus. Craint-elle que cette vie marginale ait un impact sur l'éducation de son fils? «Je traverserai le pont une fois à la rivière. C'est sûr que l'histoire de Samantha Ardente m'a fait réfléchir, que j'ai pensé au jugement de mes amis. Je suis sa mère à temps plein, il est merveilleux et moi aussi, je suis merveilleuse», résume Julie avec aplomb.

Quant à ses proches, ils l'ont toujours connue ainsi. «Je suis une fille éclatée. Si tu veux ma mort, force-moi à coucher toujours avec le même gars. Pour les films, dans quelques années, ce sera fini...»

D'ici là, Julie jure de continuer à s'amuser. Il est 18h. Il faut préparer Loïc pour sa partie de soccer. Elle enfile les bas par-dessus les protège-tibias de son fils.

«Mon gars m'a demandé un père à Noël, ça m'a fait quelque chose.»

Une fois sur le terrain d'un parc voisin, Loïc court dans tous les sens. Assise en retrait, Julie s'égosille: «Go,Loïc, go!» Elle est alors comme toutes les mères.