Marc Gascon, président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Saint-Jérôme, a fait bâtir sa luxueuse résidence par au moins trois entreprises qui ont obtenu de gros contrats auprès de sa ville, a appris La Presse.

L'une de ces firmes, L'Archevêque&Rivest, de Repentigny, est spécialisée dans les secteurs municipal et commercial, a confirmé Sylvain Rivest, un des dirigeants. Le terrassement a été réalisé avec la machinerie d'Équipe Quatre Saisons, une firme d'excavation et d'asphaltage de Saint-Jérôme.

À elles deux, ces entreprises ont obtenu pour près de 25 millions de dollars de contrats depuis 2002 dans la ville du maire Gascon.

Travaux de peinture Cyr, une entreprise locale qui a obtenu plusieurs contrats par appel d'offres et sur invitation à Saint-Jérôme, est aussi intervenue dans ce chantier. La facture d'environ 2000$ a été «payée par chèque à l'entrepreneur», précise son président, André Cyr, un ami d'enfance de Marc Gascon.

Transformation extrême

Le permis de construire a été délivré le 31 mars 2008. Selon les documents officiels de la Ville de Saint-Jérôme, l'entrepreneur est L'Archevêque&Rivest et le coût des travaux s'élève à 200 000$, ce que nous a confirmé le maire.

Marc Gascon a obtenu au mois de juin 2008 une marge de crédit hypothécaire de 268 000$.

Selon plusieurs sources, il a fallu presque un an de travaux pour transformer en demeure de prestige le modeste bungalow que le maire Gascon avait acquis en 1988. Ces travaux majeurs ont forcé le couple à déménager temporairement.

De 2003 à 2007 inclusivement, L'Archevêque&Rivest a obtenu des contrats d'une valeur totale de près de 7,5 millions de dollars à Saint-Jérôme, en particulier pour le poste de police et la gare.

Son siège se trouve à Repentigny, mais elle dispose aussi d'une adresse dans un parc industriel à Saint-Jérôme, au 90, boulevard de Maisonneuve, édifice qu'elle a construit. Sylvain Rivest, un des dirigeants, précise qu'il s'agit d'un «bureau de consultation», utilisé seulement pour des rendez-vous avec des clients de la région.

L'Équipe Quatre Saisons est aussi très active dans la ville du maire Gascon, où elle réalise des travaux de terrassement, de déneigement, etc. Ses revenus ont d'ailleurs connu une croissance fulgurante. En 2002, ses contrats, qui se chiffraient à 550 000$, ont grimpé régulièrement jusqu'à atteindre 4,6 millions en 2009. Au total, la firme de Mario Leclair a obtenu pour près de 16,5 millions de dollars de contrats à Saint-Jérôme. Mais, en 2010, les affaires connaîtraient une «décroissance» dans cette ville, de l'aveu même de son dirigeant, que La Presse a joint par téléphone.

Il croit n'avoir «pas fait grand-chose» à la maison du maire - il s'agissait certainement, selon lui, d'une «location à l'heure ou d'un prêt d'engins ou de camions» à L'Archevêque&Rivest.

Le maire doit dissiper le doute

Le président de l'Institut québécois d'éthique appliquée, René Villemure, est catégorique: le maire Gascon n'aurait jamais dû choisir des entrepreneurs qui font affaire avec sa ville. «En tant que maire et président de l'Union des municipalités du Québec, il devrait démontrer une exemplarité plus grande que la normale.» C'est un cas de «confusion d'intérêts», «au minimum maladroit» qui allume un «feu jaune».

«On présume qu'il a payé, ajoute l'éthicien, mais était-ce au prix du marché? Il plane un doute et, pour le dissiper, c'est le maire, qui est aussi l'élu no 1 au Québec, qui a le fardeau de la preuve.»

Au nom de la préférence locale, l'entrepreneur André Cyr ne se sent pas mal à l'aise d'avoir accepté ce contrat. «Je n'aimerais pas voir une entreprise de Sainte-Adèle venir faire des travaux chez mon maire, à qui je paye des taxes», justifie-t-il.

Même son de cloche chez Sylvain Rivest, de L'Archevêque&Rivest: «Avec tout ce qui se passe aujourd'hui dans le monde municipal, peut-être qu'on dirait non, mais dans le temps, je ne voyais aucun risque ou problème.»