Buzz Hargrove célèbre cette année sa dernière fête du Travail à titre de président du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile.

Son départ survient à une période où le mouvement syndical est malmené, où le nombre de ses membres est en chute dans les pays industrialisés et où plusieurs se demandent s'il a encore sa place dans une économie moderne, mondialisée.

Les TCA eux-mêmes ont été accusés d'avoir nui aux travailleurs de l'automobile, en imposant aux trois grands manufacturiers d'automobiles canadiens des conventions collectives comportant des charges si élevées qu'ils ne sont plus concurrentiels.

M. Hargrove, qui est âgé de 64 ans, conteste ce point de vue. Il se dit persuadé que les syndicats sont plus pertinents que jamais de nos jours.

Mais il n'est pas aveugle. La semaine dernière, Statistique Canada dévoilait les plus récentes données sur l'appartenance syndicale. Elles montrent que la proportion des travailleurs représentés par des syndicat continue de régresser. A la fin du mois de juin, elle était de 29,4 pour cent, contre 29,7 pour cent, un an plus tôt. C'est encore pire pour les syndicats du secteur privé, qui ne représentent plus que 16,3 pour cent des travailleurs.

Encore plus révélateur, peut-être: des 317 000 nouveaux emplois créés l'an dernier, seuls 53 000 étaient syndiqués.

Le Canada conserve malgré tout, comme l'Europe, un taux comparativement élevé de syndicalisation. Aux Etats-Unis, les travailleurs syndiqués ne représentent plus que 12 pour cent de la main d'oeuvre, et un maigre 7,5 pour cent dans le secteur privé.

Le déclin du taux de syndicalisation au pays a coïncidé avec celui du secteur manufacturier, où les syndicats représentaient une forte majorité des travailleurs d'usines. La mondialisation de l'économie a aussi porté un dur coup au syndicalisme, en donnant plus de pouvoir de négociation aux grandes entreprises.

Mais M. Hargrove admet que les syndicats n'ont pas fait assez d'efforts pour se rendre attrayants aux yeux des jeunes travailleurs et pour s'adapter à la flexibilité et à l'indépendance accrues de la main d'oeuvre. Les syndicats ne sont pas non plus parvenus à sensibiliser les nouvelles générations à leurs réalisations passées, et à ce qu'ils ont à leur offrir dans l'avenir, selon lui.

Tout en reconnaissant que la récente augmentation du dollar canadien a fait grimper les coûts de la main d'oeuvre canadienne par rapport à celle des Etats-Unis, il souligne que les travailleurs canadiens donnent un meilleur rendement que la main d'oeuvre américaine.

A son avis, le «militantisme intelligent» pratiqué au Canada explique pourquoi la proportion des travailleurs syndiqués est encore plus grande au nord qu'au sud de la frontière.