Stephen Harper l'a fait savoir clairement avant son départ pour le Japon, mercredi dernier, à Ottawa, en présence du premier ministre français, François Fillon : ce n'est pas avec George W. Bush que les choses avanceront au G8 sur la question des changements climatiques.

Le propos n'était pas aussi direct, mais c'est ce qu'il faut comprendre.

M. Harper venait de souligner que les membres du G8 auront sur les changements climatiques «des discussions intéressantes avec une nouvelle administration aux États-Unis», «peut-être pas cette année, mais certainement l'année prochaine».

En somme, après le départ de George W. Bush, estime le premier ministre, les choses iront mieux. Voilà des propos qui en ont étonné plus d'un, en particulier ceux qui ont toujours cru que Stephen Harper calquait sa politique sur celle du président sortant.

«Je pense que tout le monde pense que ça va aussi changer le débat au G8», avait aussi lancé M. Harper à propos de l'arrivée d'une nouvelle administration à la Maison-Blanche.

L'année dernière, M. Harper était revenu du sommet de Heiligendamm, en Allemagne, mécontent de l'attitude de George W. Bush. Avec l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, le premier ministre avait tenté d'obtenir un accord chiffré qui aurait contraint les émetteurs majeurs, c'est-à-dire les États-Unis, la Chine et l'Inde, à réduire de 50% leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2050. Le président George W. Bush avait refusé de s'engager à des cibles contraignantes et tous s'étaient contentés d'affirmer, dans le communiqué final, qu'ils allaient «sérieusement prendre en compte la décision prise par l'Union européenne, le Canada et le Japon de réduire de moitié les émissions totales d'ici à 2050». On s'était mis d'accord pour reporter à 2009 la mise en place d'un objectif mondial, une conclusion qui avait déçu le chef du gouvernement canadien.

M. Harper reviendra à la charge au cours du sommet qui commence demain au Japon. Il faut des cibles obligatoires pour tout le monde, et il faut que tout le monde s'engage dans le processus, surtout les grands émetteurs comme les États-Unis, la Chine et l'Inde. Sans cela, c'est peine perdue. Les pays développés auraient beau éliminer complètement toutes leurs émissions de GES, a-t-il répété maintes fois, celles-ci n'en auraient pas moins doublé en 2050 en raison du refus d'agir des pays en développement.

Vu de cette façon, Kyoto a des allures de coup d'épée dans l'eau, d'autant plus que M. Harper ne cache plus que le Canada ne pourra atteindre les cibles du protocole en raison de ce qu'il appelle leur caractère «irréaliste».

L'opposition libérale accuse M. Harper d'attentisme. «C'est comme un propriétaire de chalet qui dit à son voisin : "Je n'arrêterai pas de jeter mes déchets dans le lac tant que tu n'arrêteras pas de le faire"», a déclaré jeudi dernier le critique libéral en matière d'environnement, David McGuinty.

Pour le premier ministre, le mot-clé est «efficacité», comme il l'a expliqué aux Communes en mai 2007 : «Le Canada est en faveur d'un accord international efficace, avait-il affirmé. Il est en faveur, tout particulièrement, de cibles pour les grands émetteurs de la planète, tels les États-Unis, la Chine et l'Inde. Si nous ne parvenons pas à nous entendre sur ces cibles, nous n'aurons pas de protocole international efficace.»

Que ce soit avec un président républicain du nom de John McCain ou avec un démocrate du nom de Barack Obama, Stephen Harper est convaincu que les choses avanceront.

John McCain a déjà promis de militer pour des accords internationaux de réduction des GES s'il devient président. Il a même promis que, en 2050, les émissions de GES des États-Unis seraient réduites de 60% par rapport à ce qu'elles étaient en 1990. Barack Obama a pour sa part le projet de ramener ces émissions à 80% en deçà de celles de 1990 dans la même période.

Si ces engagements sont respectés, M. Harper a raison de dire que le débat changera au G8. Il devra peut-être même réajuster à la hausse les engagements du Canada s'il veut être à la hauteur des ambitions du nouveau président américain.