Antigua, avec ses maisons coloniales aux jolies couleurs pastel, ses vieilles rues empierrées et ses monastères en ruine, est sans doute la ville la plus jolie, la plus riche et la plus sûre du Guatemala. On y compte près d'une centaine d'écoles d'espagnol qui toutes offrent à leurs élèves la possibilité, entre autres, de loger chez l'habitant. Souvent, il s'agit de personnes retraitées qui habitent une vaste et confortable demeure où elles louent plusieurs chambres. Elles ont des domestiques pour le ménage et les repas, et l'atmosphère y est plus proche de celle d'un gîte touristique que d'une véritable famille.

J'avais pour ma part demandé expressément au directeur de mon école de me trouver une famille modeste qui ait de jeunes enfants, premièrement parce que je voulais vivre avec et comme les Guatémaltèques «ordinaires»; deuxièmement parce que les enfants sont toujours de fameux professeurs quand il s'agit d'apprendre une langue.

 

On m'a donc confiée à Karla et José, parents de trois enfants de 14, 10 et 7 ans. Le chauffeur venu me cueillir à l'aéroport de Ciudad Guatemala m'a déposée chez eux à la nuit tombée, recrue de fatigue, après deux heures de route.

Comme la maisonnée dormait déjà, José, le père de famille, m'a accueillie en chuchotant: Bienvenida, voici ta chambre; el baño est ici; déjeuner demain à 7h. N'oublie pas d'éteindre les lumières, l'électricité coûte muy caro.

 

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Les cascades de Semuc Champey.

Ma chambre, spartiate mais propre, donne sur un long passage à ciel ouvert tout fleuri de plantes en pot. Au bout, une pièce qui sert alternativement de cuisine et de salle à manger débouche sur une courette intérieure. La salle de bains est pourvue d'une douche de béton badigeonnée d'un bleu piscine qui s'écaille. Au pommeau est raccordé un appareil électrique hérissé de fils rafistolés au ruban noir. C'est le chauffe-eau. Apparemment, on n'a pas ici la même obsession pour la sécurité que chez nous...Au matin, à l'heure dite, Karla s'active dans sa cuisine rudimentaire - un réchaud au gaz à deux brûleurs posé sur une petite table, un frigo, une étagère de plastique pour ranger les provisions. La table à manger fait office de plan de travail.

Chaque jour, trois fois par jour, je verrai Karla accomplir des miracles d'économie et d'habileté dans cet espace restreint. Ce matin, pour 10 personnes (les cinq membres de la famille, deux étudiantes autrichiennes, un jeune Manitobain et moi): huevos revueltos (oeufs brouillés), sauce tomate, fromage, frijoles et tortillas arrosés d'un excellent café. Plus typiquement guatémaltèque, il n'y a pas!

Après le bénédicité (mes hôtes sont chrétiens évangéliques, une confession qui gagne en popularité au Guatemala), on essaie tant bien que mal de converser. Karla et José, tous les deux profs d'espagnol, font plaisamment semblant de ne rien comprendre quand on s'exprime dans une autre langue. Puis, à 7h45, c'est le branle-bas: on se souhaite buen provecho (littéralement: bon profit) en quittant la table et hop! Au pas de charge pour l'école d'espagnol, à deux coins de rue de là.

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Ma famille d'accueil: Tiffany (7 ans), José (le papa), José-Carlos (10 ans), Karla-Isabel (14 ans) et Karla (la maman).

Il me faudra quelques jours pour oser traîner dans la cuisine quand Karla s'y affaire, puis pour proposer mon aide, ce qui, apparemment, ne se fait habituellement pas mais qu'elle accepte de bon coeur. J'arrange les haricots, pile les avocats, épépine les tomates, presse les citrons, grille les tortillas, enrichis mon vocabulaire et apprends les rudiments de la cuisine guatémaltèque tout à la fois. Quel bonheur!Et puis Tiffany, la petite de 7 ans, n'est jamais bien loin. Vive comme une loutre, rigolote et attachante, elle babille sans arrêt, me montre ses dessins, me chante des chansons; je lui raconte tant bien que mal en espagnol ma célèbre histoire de la grenouille à grande gueule, nous rigolons comme des bossues.

Quand le soir, après souper, Karla sort les dés, ou les dames chinoises, ou un casse-tête, et que tout le monde s'y met joyeusement, je me rends compte de la chance que j'ai d'être tombée sur une famille pareille. Au diable la douche rudimentaire et les minuscules fourmis qui processionnent dans ma chambre!

À mon départ, au bout de deux semaines et demie, j'avais gagné beaucoup d'aisance en espagnol et perdu un ou deux kilos superflus grâce aux bons soins de mes hôtes. Au moment où je montais dans le minibus qui devait me conduire à Rio Dulce, Tiffany m'a rappelée, a couru vers moi et m'a fait un énorme câlin, puis m'a glissé dans la main un papier plié en 96.

C'était un indéchiffrable message tracé de sa petite main maladroite, avec plein de coeurs de toutes les couleurs.

Quel hôtel vous met comme ça les larmes aux yeux quand vous le quittez?

Photo: Fabienne Couturier, La Presse

Boucherie «L'Effort», à Chichicastenango.

ExcursionsAntigua est une ville aussi superbe qu'agréable, mais on aurait tort de s'y confiner. Le Guatemala offre des paysages d'une fascinante beauté: volcans en activité ou non; vastes plantations de cardamome, de maïs et de café; calmes hameaux aux maisons coiffées de palmes; rivières d'un turquoise stupéfiant; ruines de temples mayas d'une poignante mélancolie. Et partout, ces femmes aux costumes si jolis, si colorés, qui marchent pieds nus dans la poussière, un enfant sur le dos...

Toutes les écoles d'espagnol, en plus d'une quantité innombrable d'agences de voyages, offrent à prix raisonnable des excursions de week-end. On peut ainsi escalader un volcan et y passer la nuit, ou encore partir en minibus pour le lac Atitlan. Cet immense et magnifique plan d'eau, creusé entre trois volcans, est bordé de hameaux typiques où les hommes, chose rarissime au Guatemala, portent encore le costume traditionnel: pantalon de toile blanche brodé et rebrodé, chemise tissée de couleurs vives, large ceinture, chapeau de paille.

L'excursion au lac Atitlan comprend généralement un crochet à Chichicastenango, dont le marché, le plus vaste et le plus ancien d'Amérique centrale, est une véritable fourmilière. Marchands de maïs, de viande, de casseroles, de vêtements, de fruits, d'objets religieux; petits cireurs de chaussures, vendeuses de colifichets s'y entassent dans des venelles labyrinthiques. Le photographe amateur devra déployer des trésors de diplomatie toutefois, car les Mayas détestent se faire photographier.

Dans le nord, les cascades de Semuc Champey valent aussi le détour, à la condition de s'y rendre avec un guide. Lui seul pourra vous entraîner dans cette invraisemblable balade où l'on plonge de bassin en bassin jusqu'à une grotte d'une beauté irréelle. Sujets au vertige s'abstenir!

Enfin, les ruines de Tikal, ces temples mayas qui s'élèvent au beau milieu de la jungle habitée de singes hurleurs et d'oiseaux, valent bien les quelque huit heures de car qu'il faut pour s'y rendre à partir d'Antigua. Encore là, on pourra faire le voyage avec l'école de langue, mais on peut aussi facilement l'accomplir de manière autonome, en s'arrêtant à Florès, par exemple, pour y passer la nuit.

Voyager seule au Guatemala



«Tu pars seule? Au Guatemala? Tu n'as pas peur?» m'ont demandé tous mes amis avec une pointe d'inquiétude.

Peur? Peur de quoi? Il est vrai que, à lire les mises en garde du ministère des Affaires étrangères, on pourrait croire que le Guatemala est peuplé de bandits de grand chemin qui, une machette entre les dents, n'attendent que l'occasion de dépecer quelque honnête touriste après l'avoir dépouillé de ses biens.

En réalité, comme dans tous les pays dits «en développement», quelques précautions de base et un minimum de bon sens suffisent. Vrai, le moindre déplacement en transports en commun relève de l'expédition. J'ai déjà compté jusqu'à 24 adultes, une poule et cinq enfants (dont deux nourrissons, il est vrai) dans un minibus conçu pour 13 passagers.

Il m'est aussi arrivé de me retrouver fin seule, à la nuit noire, à un carrefour où, m'avait-on assuré, un minibus passerait incessamment pour m'emmener à Rio Dulce. Au bout d'une quinzaine de minutes d'une attente de plus en plus désespérée, un pick-up a fini par ralentir à ma hauteur: «Tu vas à Rio Dulce?

- Oui...

- Monte!

- C'est que j'attends le minibus...

- No hay mas à cette heure-là, señora. Monte, on va te déposer.»

Que faire d'autre? Je suis montée dans la boîte avec les deux types qui s'y trouvaient déjà; les deux enfants assis dans la cabine m'ont fait passer un coussin crasseux sur lequel je me suis carrée, et vogue la galère! Le vent dans les cheveux, des étoiles par milliards au-dessus de ma tête, j'ai fait le plus beau tour de camion de ma vie!

Car ils sont comme ça, les Guatémaltèques: toujours d'une incroyable affabilité, prêts à rendre service... Pour peu que vous parliez quelques mots d'espagnol, ils vous sourient de toutes leurs dents en or, veulent savoir d'où vous venez, pourquoi vous êtes là, si vous avez des enfants... Et quand vous avouez n'en avoir qu'un seul, ils vous regardent d'un air désolé: «Ay, mais pourquoi?».

REPÈRESQuelle école choisir?

Comme on compte une centaine d'écoles accréditées rien qu'à Antigua, il faut se fier à son instinct... ou au bouche à oreille. On aura avantage à choisir une école bien établie, reconnue par le gouvernement, qui compte plusieurs années d'expérience et qui peut donner des références. À cet égard, la qualité du site web peut être un indice de bonne organisation.

Combien ça coûte?

Pour la formule la plus courante (professeur privé, quatre heures par jour, cinq jours par semaine, matériel inclus), compter environ 110$ par semaine. On peut à l'infini varier les formules: deux élèves pour un prof, plus ou moins d'heures quotidiennement, cours en matinée ou en après-midi, etc.

Où loger?

La plupart des écoles proposent quatre formules d'hébergement et s'occupent de réserver. 1 Chez l'habitant en pension complète (trois repas par jour sauf les week-ends): le coût varie en fonction du confort qu'offre la maison. Compter 70$ par semaine pour une chambre modeste avec salle de bains commune, jusqu'à environ 150$ par semaine pour une chambre luxueuse avec télé et salle de bains privée. 2 En résidence d'étudiants: compter de 10 à 15$ par jour, repas non inclus, pour une chambre avec salle de bains privée. 3 En appartement: environ 350$ pour deux semaines dans un appartement d'une chambre à coucher. 4 En hôtel: prix variables selon l'hôtel.

Comment s'y rendre?

Il n'y a aucun vol direct pour Ciudad Guatemala au départ de Montréal. Il faut donc se rabattre sur les compagnies américaines (American Airlines, US Airways, Continental, etc.) et prévoir une escale (parfois deux) à Cleveland, Miami, Houston ou Charlotte. L'école envoie une navette vous cueillir à l'aéroport de Ciudad Guatemala (deux heures de route jusqu'à Antigua).