On nous avait bien dit de prendre garde aux milans noirs, de voraces rapaces au bec crochu.

Subitement, une explosion d'ailes, un cri... Un milan vient de saisir une cuisse de poulet que Karine tenait en main et s'apprêtait à déguster. À quelques pas, un marabout, un grand oiseau dégingandé qui évoque un sinistre croque-mort, observe la scène sans bouger la moindre plume.

Le safari commence bien. Espérons que les lions et les léopards seront un peu moins polissons.

Nous cheminons vers le Serengeti, au coeur de la Tanzanie. Le Sergenti, le Ngorongoro, Manyara, ce sont de grands parcs qui font rêver. Lorsque j'y suis venue il y a 20 ans, c'était en juillet, au beau milieu de la saison sèche. C'est une saison où règne la poussière, mais qui a un avantage indéniable: les animaux ont tendance à se regrouper près des rares points d'eau, ce qui facilite leur observation.

Cette fois-ci, nous sommes en décembre. En théorie, la saison des pluies vient de se terminer. J'ai bien hâte d'admirer la verte savane dont on m'a parlé.

Effectivement, une petite herbe bien verte couvre les grandes plaines du Serengeti. Le problème, c'est que de gros nuages bien noirs couvrent le ciel. Et voilà qu'une bonne pluie se déclenche. Zut. Heureusement, ça ne dure pas trop longtemps, et dans l'étrange clair-obscur apparaît une longue rangée d'éléphants qui se détache sur l'horizon. Un peu plus loin, nous croisons de grandes filées de gnous, en pleine migration, puis des zèbres. De toute évidence, nous n'aurons pas de difficultés à trouver des animaux pendant ce safari.

Nous campons en pleine savane et passons une bonne nuit en dépit des bruits étranges, des craquements qui se font entendre autour des tentes.

Au petit matin, le beau temps revenu, nous passons aux choses sérieuses: nous apprenons à faire la distinction entre la gazelle de Grant et la gazelle de Thompson, entre le bubale et le damalisque (deux grandes antilopes). Nous apercevons des lions, des hippopotames, des crocodiles.

Nous avisons une hyène qui rôde autour d'un troupeau de gnous. Subitement, elle s'élance et déclenche un mouvement de panique dans le troupeau. Elle court dans une direction, court dans une autre, poursuit un gnou, mais celui-ci semble conserver l'avantage. La hyène continue cependant à le poursuivre, sans relâche. Le gnou, épuisé, perd du terrain. Et voilà que la hyène attaque, fait chuter le gnou, l'achève d'un coup de mâchoire. On se serait cru dans un documentaire de National Geographic.

Après une autre nuit à entendre les bêtes rôder autour du camp, nous retraversons la savane pour atteindre les flancs du Ngorongoro. Le cratère de cet ancien volcan, d'une vingtaine de kilomètres de diamètre, regorge de lions, d'hippopotames, de babouins, de flamants roses... et de quelques rares rhinocéros.

Les lions se font particulièrement accommodants. Ici, deux lionnes et des lionceaux boivent à quelques mètres de nos véhicules. Un peu plus loin, ce sont des mâles qui s'étendent au beau milieu du chemin, comme de gros matous paresseux. Des hippopotames se pressent dans une mare, mais les rhinocéros, de grands timides, demeurent bien cachés.

Nous partons vers notre dernière étape, le parc de Manyara, reconnu pour ses lions qui grimpent aux arbres. C'est à l'aube que nous nous attaquons cette forêt où se glissent des éléphants, des buffles, des phacochères. Les bébés babouins nous font rigoler, mais aucun lion ne daigne grimper dans un arbre devant nous. Eh bien, il faudra revenir. Dans une vingtaine d'années, peut-être. Je ne veux pas perdre mes bonnes habitudes.