Les époustouflantes ruines romaines de Leptis Magna, sur la côte méditerranéenne de la Libye, pourraient être la clé d'un nouvel avenir économique pour le pays, après des décennies de dépendance quasi exclusive au pétrole sous le règne de Mouammar Kadhafi.

Certains dirigeants de la nouvelle Libye pensent que le pays doit développer d'autres sources de revenus parce que malgré ses immenses réserves de pétrole - les plus importantes en Afrique -, celles-ci finiront par se tarir un jour. Le tourisme, qui a longtemps stagné sous Kadhafi, est l'un des domaines lucratifs qui pourraient permettre à la Libye de diversifier son économie.

«Je crois que ce sera l'un des changements stratégiques majeurs pour l'économie libyenne», déclarait la semaine dernière le ministre sortant des Finances et du Pétrole, Ali Tarhouni.

Les ruines de Leptis Magna, l'un des sites romains les mieux préservés du monde, symbolisent à la fois le potentiel économique de la Libye et le long chemin qui reste à parcourir pour y arriver. Les responsables du tourisme espèrent que les lieux historiques comme Leptis Magna, les centaines de kilomètres de côtes méditerranéennes du pays et ses spectaculaires paysages désertiques parviendront à attirer des centaines de milliers de visiteurs chaque année.

Mais ils admettent qu'il faudra encore du temps pour que le pays construise suffisamment d'hôtels et de routes afin de pouvoir accueillir le tourisme de masse. «Nous avons encore beaucoup à faire, mais nous avons le grand espoir que le tourisme sera une chose très importante dans l'avenir», a dit Sami Naas, un responsable du tourisme en Libye. «Nous tentons d'investir ce que nous avons déjà dans le domaine du tourisme.»

Pour l'instant, les contrecoups de la sanglante guerre civile libyenne, qui a pris fin en octobre avec l'arrestation et la mort de Mouammar Kadhafi, maintiennent encore les touristes loin de la Libye. Même si les violences ont considérablement diminué depuis la chute du régime, le gouvernement intérimaire n'a pas encore réussi à imposer son autorité à toutes les milices qui ont contribué à la chute du dictateur.

Les anciennes rues pavées de Leptis Magna étaient largement désertes la semaine dernière. La ville, fondée pendant le premier millénaire avant Jésus-Christ, comporte plusieurs structures de l'Antiquité encore intactes.

Un guide libyen rencontré sur place lundi dernier, Ziad Siala, a expliqué que sous le règne de Kadhafi, le tourisme était étroitement contrôlé. Les visiteurs étaient obligés de voyager en groupe et ne pouvaient explorer le pays de façon indépendante, a-t-il dit. Et même dans ces conditions, la Libye ne pouvait faire face au petit nombre de touristes qui venaient dans le pays.

«Nous avions de gros problèmes dans la formation des guides et des directeurs de circuits», a expliqué M. Siala, âgé de 34 ans, qui a accompagné son dernier groupe de touristes peu après le début de l'insurrection contre le régime Kadhafi, à la mi-février. «Il était difficile de les attirer dans l'industrie. S'ils savaient parler anglais ou français, ils préféraient aller travailler dans l'industrie pétrolière.»

Le pétrole domine l'économie libyenne depuis les années 1970. Au cours des dernières années, il fournissait quelque 80 pour cent des revenus du régime, même si la grande majorité des Libyens n'en profitaient pas.

Au même moment, la corruption des responsables politiques et une série de restrictions gouvernementales ont paralysé le développement du secteur privé. Le manque de personnel qualifié - résultat d'un système d'éducation peu adapté- et la venue de milliers de travailleurs étrangers ont eu pour conséquence un taux de chômage élevé pour les Libyens. La Libye devait importer la majorité de sa nourriture parce que le secteur agricole était sous-développé.

Le régime a tenté de maintenir la paix en versant des prestations d'aide sociale à grande échelle. M. Tarhouni s'est dit estomaqué par le nombre de Libyens qui recevaient des prestations du gouvernement. De nombreux Libyens s'attendent maintenant à ce que le gouvernement intérimaire qui dirigera le pays jusqu'aux élections du mois de juin continue de leur verser des prestations, voire qu'il les augmente, a dit M. Tarhouni.

La nouvelle Libye devra se réformer de fond en comble pour asseoir l'économie sur des fondations plus solides, a estimé le ministre sortant des Finances et du Pétrole. Cela signifiera notamment d'encourager le développement du secteur privé, particulièrement dans les domaines du tourisme et des services financiers.

«Ce pays a utilisé une ressource non renouvelable, et peu importe les réserves que nous avons, nous les épuiserons un jour ou l'autre», a dit M. Tarhouni au sujet de la dépendance au pétrole. «Il est temps de diversifier nos sources de revenus.»