La décision de Facebook de réduire la présence des marques et des médias sur les fils d'actualité de ses utilisateurs intervient après des mois de polémiques autour du réseau social, qui devrait perdre des recettes publicitaires à court terme mais devrait y gagner à plus long terme.

Dans sa lettre ouverte, postée jeudi sur sa page Facebook, le PDG Mark Zuckerberg affirme vouloir privilégier le «bien-être» de ses deux milliards d'utilisateurs, tout en laissant entendre que cette décision va coûter de l'argent au géant californien.

L'annonce fait écho aux voeux du fondateur du plus grand réseau social au monde qui, la semaine dernière, avait reconnu des «erreurs» et promis d'essayer d'y remédier en 2018.

Le patron en tee-shirt tente ainsi de rompre le cycle négatif dont lui et son groupe pâtissent depuis l'élection de Donald Trump.

Il avait initialement choisi une toute autre ligne, et réfuté sèchement, mi-novembre 2016, toute responsabilité de Facebook dans le résultat du scrutin présidentiel américain, qualifiant l'idée même de «folle».

Mais plusieurs éléments l'avaient ensuite contredit. Le site BuzzFeed avait notamment montré que durant les trois derniers mois de la campagne, les fausses informations avaient davantage attiré l'attention des utilisateurs de Facebook que les articles rapportant de vraies informations.

À peine un mois plus tard, le groupe de Menlo Park changeait de ton et a depuis multiplié les mesures pour désamorcer les critiques, notamment pour empêcher la diffusion de contenus violents ou choquants après qu'un jeune Thaïlandais a diffusé en direct sur la plateforme le meurtre de sa fille et son propre suicide.

Mais la controverse semblait coller aux basques du réseau social, qui s'est retrouvé mêlé à l'enquête sur une possible influence de la Russie dans l'élection présidentielle américaine.

Tentative de rédemption ?

Le groupe a révélé de lui-même en septembre que des comptes activés depuis la Russie avaient acheté sur Facebook des espaces publicitaires pour créer des tensions durant la campagne.

En septembre toujours, ProPublica a montré que les annonceurs pouvaient utiliser des filtres sur Facebook pour s'adresser aux utilisateurs affichant des sympathies antisémites.

Un sondage réalisé à cette époque par USA Today indiquait que l'opinion reprochait majoritairement à Facebook de ne pas avoir été plus proactif dans le dossier russe.

L'annonce de jeudi s'inscrit dans cette quête de rédemption qui dure depuis 14 mois.

Pour autant, la marque Facebook ne semble pas avoir été affectée par cette mauvaise passe. Une étude de l'institut NetBase, publiée en août, en faisait la marque préférée des internautes dans le monde.

À fin septembre, dernier pointage en date, le nombre d'utilisateurs mensuels était en hausse de 16% sur un an, à 2,07 milliards.

Et si l'annonce de jeudi a malmené le titre en Bourse vendredi (-4,47%), les analystes ne s'inquiétaient guère des perspectives du groupe à moyen ou long terme.

Pour Brian Weiser, analyste du cabinet Pivotal Research Group, des «vents contraires» sont à prévoir pour la croissance à court terme, car la moindre visibilité des marques va vraisemblablement diminuer les revenus publicitaires. Mais «ces décisions devraient être profitables à la santé de l'entreprise à long terme», dit-il.

Mark Zuckerberg dit publiquement s'attendre à ce que la modification du fil d'actualité fasse baisser le temps passé sur le réseau social, mais pour les analystes de RBC Capital Markets, «le fait de rationaliser le fil devrait», au contraire, «faire croître, avec le temps, le nombre d'utilisateurs et leur activité» sur Facebook.

Pour plusieurs analystes, fort de ses deux milliards d'utilisateurs, un portefeuille de clients qui dépasse de très loin tout ce qu'a connu le capitalisme jusqu'ici, Facebook est en position de force et peut relever les tarifs qu'il demande aux annonceurs, quitte à se concentrer sur les plus importants d'entre eux.

Co-fondatrice du site allemand Edition F, dédié aux femmes, Susann Hoffmann rappelait, en réponse au message de Mark Zuckerberg, que Facebook avait fait ce choix de manière unilatérale, sans concertation.

«Facebook décide pour ses utilisateurs ce qui est pertinent pour eux ou non», a-t-elle regretté. «Pourquoi ne pas faire preuve d'ouverture et demander aux utilisateurs de décider ce qu'ils voudraient voir ?»