Nintendo a annoncé vendredi à Tokyo le lancement international de sa nouvelle console Switch le 3 mars, un pari pour le pionnier japonais des jeux vidéo qui apparaît à la peine face à son grand rival Sony.

Lors d'une conférence de presse à grand spectacle, la firme de Kyoto a pour la première fois montré et donné les détails de cette machine qu'il avait présentée en vidéo au mois d'octobre.

La console de salon Switch tire son nom de sa faculté transformiste : elle peut être emportée à l'extérieur une fois sortie de son socle. La partie écran amovible comporte sur les deux côtés des manettes détachables, une pour chaque main, ou une pour chacun des joueurs si on est deux. Elles permettent différents modes de jeu exploitant, outre l'appui sur des touches, la reconnaissance de mouvements par accéléromètre ou par caméra infrarouge.

Avec un concept « hybride » de cette nature, Nintendo ne concurrence pas directement Sony avec sa PlayStation 4, une machine fixe très puissante et offrant de multiples fonctions multimédias, mais s'installe entre ladite PS4 et le jeu sur téléphone intelligent.

80 jeux à venir

« La Switch permettra des jeux auxquels il était impossible de jouer jusqu'à présent », a expliqué sur scène un responsable du développement de Nintendo.

« C'est une console de jeu qui permet de s'amuser avec une autre personne, plutôt qu'avec une machine », grâce à ces deux manettes qui interagissent dans l'environnement réel, a-t-il ajouté.

La nouvelle logithèque va s'appuyer sur ces fonctionnalités en partie inédites, dans la lignée des Wii et Wii U.

« Dès à présent, 50 studios de développement sont impliqués dans la création de 80 jeux », a annoncé Yoshiaki Koizumi, un dirigeant de Nintendo qui est aussi le producteur d'un nouveau Super Mario Odyssey, mettant en scène le célèbre plombier moustachu de Nintendo.

« Nous continuons à préparer le lancement de nombreux titres avec nos partenaires pour offrir un nouvel univers de jeu », a promis le patron de Nintendo, Tatsumi Kimishima.

« Personnellement je suis très enthousiaste car je pense que c'est une console accessible au plus grand nombre. Elle est très différente de la PlayStation 4 et j'aurai sans doute les deux à la maison. La PS4, elle, ne s'emporte pas à l'extérieur », a commenté pour l'AFP Yusuke Tomizawa, un responsable d'une section de développement de jeu du groupe Bandai Namco.

Chute en Bourse

La Switch sera disponible début mars au Japon et dans plusieurs autres pays, dont les États-Unis, au prix de 299,99 dollars. Le tarif pour l'Europe sera précisé ultérieurement, directement dans les pays concernés.

Le prix apparaît un peu au-delà de la barre de 250 dollars que des analystes estimaient être un seuil psychologique susceptible, s'il était dépassé, de freiner les ventes, ce qui peut expliquer la chute de l'action à la Bourse de Tokyo (-5,75 % à la clôture).

« Je pense au contraire que c'est un très bon niveau quand on considère les possibilités inédites offertes par les technologies embarquées, principalement via la manette de contrôle », a réagi pour l'AFP Hirokazu Hamamura, expert du jeu vidéo au sein de la maison d'édition Kadokawa. « Tout n'a pas été montré aujourd'hui et les investisseurs, qui réagissent par rapport aux revenus et profits, attendaient sans doute plus d'informations sur la stratégie de jeu en ligne et le couplage Switch/téléphone intelligent », d'où une relative déception, avance-t-il.

Le faible nombre de titres disponibles au lancement - seulement huit - a également pu refroidir les actionnaires, mais M. Hamamura estime que « les gens ne veulent pas forcément beaucoup de jeux au départ, mais découvrir de nouveaux titres régulièrement ».

Cette console se doit en tout cas d'être un succès pour Nintendo, qui souffre depuis des années de la concurrence des smartphones et dont le chiffre d'affaires a été divisé par quatre depuis les plus beaux millésimes de la firme centenaire, en 2008/2009.

Nintendo est aussi acculé à accélérer parallèlement sa stratégie d'offre de jeux sur téléphones intelligents, ce qu'il a commencé à faire après avoir été réticent à franchir le pas pendant des années.

Après Tokyo, des événements pour découvrir la Switch sont prévus à Francfort, Paris et Londres.

Nintendo, 128 ans d'existence

Si Nintendo a construit sa réputation internationale avec les consoles de jeu, la maison japonaise de Kyoto est née bien avant l'ère du divertissement numérique qu'elle a révolutionnée plus d'une fois et qui l'a parfois malmenée.

Voici les principales dates de son histoire.

1889

Fusajiro Yamauchi commence à fabriquer et vendre des cartes à jouer traditionnelles, appelées « hanafuda », à Kyoto (ouest), et rencontre vite le succès.

1947

Création d'une nouvelle société, Marufuku, qui sera rebaptisée Nintendo Playing Card en 1951 sous la houlette de Hiroshi Yamauchi, arrière-petit-fils du fondateur. Il dirigera le groupe pendant plus d'un demi-siècle (de 1949 à 2002), le transformant dans les années 80 en pionnier du jeu vidéo.

1962

La compagnie entre à la Bourse d'Osaka et de Kyoto, et devient un an plus tard Nintendo.

1977

Premiers pas dans les jeux vidéo avec le lancement des consoles de salon TV Game 15 et TV Game 6.

Le groupe développe parallèlement des bornes et jeux d'arcade, avec Donkey Kong, qui sort en 1981.

1980

À la conquête de l'Amérique : Nintendo of America est créé à New York. Les Game & Watch, de petits jeux électroniques très simples, séduisent le monde.

1983

La console Famicom (Family Computer System), connue en dehors du Japon sous l'acronyme NES (Nintendo Entertainment System), révolutionne les jeux vidéo en les faisant entrer dans les foyers.

1985

Début de la commercialisation de Super Mario Bros, saga d'un plombier moustachu imaginé par un créateur emblématique, Shigeru Miyamoto, et devenu une icône mondiale du jeu vidéo.

1989

Le 21 avril, sort la première console de jeu vidéo de poche à cartouche interchangeable, la Game Boy, une petite révolution pour les gamins qui ne connaissaient pas encore le téléphone intelligent.

La famille Game Boy s'écoulera à quelque 118 millions d'unités. À ce record s'ajoutent quelque 82 millions exemplaires de la génération suivante, la série Game Boy Advance. Quant au nombre de cartouches vendues, il se chiffre en milliards.

1996/2001

Nintendo ne parvient pas à trouver son public avec la Nintendo 64, sorti en 1996, et la GameCube en 2001.

2002

Satoru Iwata, considéré comme un développeur de génie, prend la tête du groupe. Il donne un nouvel élan à la maison centenaire avec des consoles aussi emblématiques que les gammes DS et Wii. Il meurt d'un cancer en juillet 2015.

2004

Lancement de la DS, modèle inaugural d'une série de consoles portables à deux écrans (dont un tactile), qui s'arracheront à plus de 150 millions d'unités dans le monde.

Suivront les machines DSi et 3DS, avec toujours deux écrans dont un tactile et l'autre capable d'afficher des images tridimensionnelles, sans lunettes spéciales.

2006 

La vague Wii déferle sur la planète (plus de 100 millions d'exemplaires vendus). Son mode de jeu basé sur la reconnaissance des mouvements attire un large public, des femmes aux seniors.

Son successeur, la Wii U, lancée en 2012, ne suscitera pas le même engouement.

2016

Longtemps très réticent à franchir le pas, Nintendo opère un tournant stratégique en se tournant vers les téléphones intelligents.

Avec deux titres conçus par lui-même, Miitomo (réseau social ludique) et Super Mario Run, il fait une entrée plutôt remarquée dans ce domaine, amplifiée par le succès de Pokémon Go. Ce jeu de réalité virtuelle a certes été conçu par un autre studio, Niantic, mais puisqu'il s'appuie sur la saga des monstres de poche de Nintendo, son retentissement mondial a rejailli positivement sur la marque.

2017

Lancement de la Switch le 3 mars, console hybride qui peut être emportée à l'extérieur une fois sortie de son socle.