Chaque lancement de Grand Theft Auto, jeu critiqué par les uns et idolâtré par les autres, reste un événement. Grand Theft Auto V ne fait pas exception.

Cette fois, les concepteurs irrévérencieux de Rockstar North montent la barre encore plus haut en introduisant non pas un, mais trois maîtres de la casse dans une satire mordante de ce qu'est l'Amérique moderne. Doit-on y jouer?

Oui : pour la grandeur et le souci du détail 

GTA V est le plus complet des GTA à ce jour. San Andreas, État fictif où se déroule le jeu, ainsi que la ville de Los Santos, reproduction caricaturale de Los Angeles, sont énormes et regorgent de microdétails architecturaux urbains et ruraux. La ville est en vie, et il est possible d'y flâner des heures pour, par exemple, jouer au golf, aux fléchettes, au tennis (passable), à la Bourse ou faire du yoga. Tous ces jeux offrent une jouabilité unique. La radio réagit à nos interventions. Des heures d'émissions de télé et de dessins animés, tels que Célèbre ou Tocard, parodie d'America's Got Talent, sont hilarantes et proposent une critique acerbe. Cela représente un travail colossal réalisé avec minutie et ingéniosité.

Oui : pour le trio explosif 

GTA V présente pour la première fois trois personnages principaux qui se complètent à merveille. Il y a Michael, cerveau du braquage à la retraite, en questionnement existentiel et dont la famille lui attribue tous ses malheurs; Franklin, le jeune du ghetto qui essaie d'en sortir à tout prix et le dernier, et non le moindre, Trevor, Canadien redneck violent, imprévisible vendeur de meth et trafiquant d'armes. Il est possible de basculer de l'un à l'autre à tout moment. Un concept génial et magnifiquement implanté. Le saut d'un personnage à l'autre donne à tout moment l'impression que les personnages vaquent à différentes activités pendant que nous ne les incarnons pas. Ce triptyque croisé scénaristique pousse encore plus loin l'excellence de la science de l'écriture cinématographique à laquelle Rockstar nous a habitués toutes ces années.

Oui : pour les missions jouissives et surtout les braquages 

GTA V garde bien sûr ses principes de base. La conduite au sol, sur ou sous l'eau et dans le ciel ainsi que les échanges de coups de feu restent les bases, mais n'en sont toujours pas moins pardonnables. La police rôde toujours, son intelligence artificielle a été améliorée et le système d'étoiles est toujours présent. Si les missions en solo restent classiques, l'emballage n'en reste pas moins enlevant, diversifié et parfois sadique, sans compter que tous les outils que l'univers propose sont utilisés. En tout, 160 missions, dont 69 principales, sont au menu. C'est à travers les braquages et les missions à trois que nous trouvons l'essence même du plaisir de ce volet. Faire du repérage, décider d'un plan furtif ou de front et participer à la préparation à travers diverses missions augmente l'immersion et le plaisir de participer à cette incursion dans le monde du crime.

Oui et non : pour la technique et l'image de la femme

Techniquement, ce GTA est presque en tout point irréprochable. Graphiquement, il est d'une beauté et d'un réalisme éblouissants. La mer est criante de réalisme. Nous avons toujours cette rigidité contraignante pendant les échanges de coups de feu - surtout à bord des véhicules - qui apporte un peu de frustration. GTA V reste également immoral sur tous les points et il le fait très bien. Ce jeu est une satire violente de l'Amérique moderne. Tout y passe: la consommation, la dichotomie des valeurs morales, Facebook, Apple, la NRA, la torture et j'en passe. C'est GTA, c'est un jeu pour adultes et si on lit bien entre les lignes, on ne peut s'empêcher d'en rire. Cependant, les femmes y sont représentées comme des objets sexuels, des droguées finies, des hystériques et des fanatiques spirituelles de la vulve. Une image peu reluisante qui va avec le concept. Il reste qu'il aurait été plaisant d'équilibrer «un peu» le tout en insérant une femme forte dans le scénario. Elizabeta Torres (GTA IV) en était une. À l'heure où de plus en plus de femmes jouent aux jeux vidéo, je me demande ce qu'aurait été ce GTA V si l'un des trois protagonistes avait été une femme.

Doit-on y jouer?

OUI

Mis à part quelques éléments contraignants tels les contrôles parfois frustrants et quelques activités secondaires plutôt ennuyeuses, Grand Theft Auto V élève le carré de sable à un niveau inégalé. Profitant d'une réalisation sans reproche, le «trip à trois» scénaristique relève du génie et propose des missions tout aussi jouissives que diversifiées. Le joueur se retrouve absorbé dans un univers unique, violent et ô combien satirique. Bien sûr, le sujet violent, désinvolte et sexiste n'est pas pour tous. Ce n'est certes pas pour rien que l'on indique sur la pochette que le jeu est pour les 18 ans et plus. Parents, vous êtes avertis.

****1/2

Concepteur : Rockstar North

Éditeur : Rockstar

Console : PS3 et Xbox 360

Cote : M (18 et +)