Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a reconnu vendredi que les autorités envisageaient des mesures pour «sécuriser» l'internet russe face à d'éventuelles sanctions occidentales, mais a démenti toute intention de la Russie de se «couper» elle-même de l'internet mondial.

«Bien sûr, il est hors de question que la Russie puisse être déconnectée de l'internet mondial. Nous ne nous préparons pas à une telle possibilité, ni ne l'étudions», a déclaré M. Peskov, cité par l'agence Interfax.

Néanmoins, «ces derniers temps, nos partenaires aux États-Unis et en Europe ont montré une grande dose d'imprévisibilité. Nous devons être prêts à toutes les éventualités», a-t-il ajouté.

Selon les experts, Moscou craint que d'éventuelles futures sanctions occidentales n'aient un impact sur l'internet russe.

«Il ne s'agit pas de déconnecter la Russie, mais de définir comment la Russie va réagir si elle est coupée de l'Internet mondial, comment assurer sa sécurité», explique l'expert russe Mikhaïl Gourevitch, spécialiste des médias.

«Il s'agit d'une menace aussi réaliste qu'une invasion d'extraterrestres. Il n'y a pas de telle menace» de la part des Occidentaux, a-t-il toutefois estimé.

Le quotidien russe Vedomosti a rapporté vendredi que le président russe Vladimir Poutine doit tenir lundi une réunion du Conseil de sécurité russe sur la question de la «sécurisation» du cyberespace russe.

Selon le journal, qui cite plusieurs fournisseurs d'accès, des entreprises liées à l'internet et des ONG, d'autres réunions avec des responsables de haut niveau vont également se tenir pour aborder le «fonctionnement d'un segment russe de l'internet en cas de situations d'urgence».

M. Peskov a confirmé vendredi à l'AFP que les autorités russes prenaient «des mesures pour garantir la sécurité de la Russie» sur internet et que de telles mesures «sont étudiées en permanence à différents niveaux et dans différentes administrations».

Selon lui, il s'agit simplement de «protéger (l'internet russe) d'éventuelles actions de l'étranger», comme des sanctions supplémentaires de l'Occident qui pourraient affecter le réseau.

«L'identité du principal administrateur de l'internet mondial est connue. Et en lien avec son imprévisibilité, nous devons réfléchir à la manière d'assurer notre sécurité», a affirmé le porte-parole du Kremlin, dans une référence non voilée aux États-Unis.

Vedomosti rappelle en outre qu'imposer un contrôle de l'internet russe ne serait pas simple puisque celui-ci est, contrairement au Web chinois, profondément intégré au réseau mondial.

Le blogueur russe anti-Kremlin Anton Nossik a pour sa part assuré que les autorités voulaient, faute de pouvoir créer un internet russe, contrôler l'entrée et la sortie des données dans le pays.

Les autorités russes ont introduit il y a plusieurs mois une loi qui oblige les entreprises ayant une activité liée à l'internet à conserver toutes les données personnelles des utilisateurs russes en Russie.

Une autre loi impose aux blogueurs russes les mêmes obligations qu'aux médias, à savoir se signaler auprès des autorités et vérifier la véracité des informations publiées.

Symbole du tour de vis subi par les utilisateurs en Russie, le fondateur du principal réseau social russe Pavel Dourov a quitté le pays en avril, évoquant une «situation incompatible avec le business sur Internet».