En Équateur, le gouvernement a exempté les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter du contrôle des médias prévu dans le cadre d'une nouvelle législation controversée sur la communication, selon un projet de loi rendu public mardi.

Adoptée l'an dernier à l'initiative du président socialiste Rafael Correa, la législation sur la communication a notamment instauré un conseil de régulations pouvant sanctionner les médias. Un organe considéré par l'opposition comme une volonté déguisée de censure.

Après avoir menacé d'étendre la loi aux réseaux sociaux, M. Correa, qui a déjà poursuivi à plusieurs reprises des journalistes et des médias pour injure, a finalement écarté ce projet, qui avait soulevé une levée de boucliers.

«Sont exclus du champ de régulation et de contrôle administratifs les contenus écrits par les citoyens dans les blogues, réseaux sociaux et pages web personnelles, professionnelles et institutionnelles», indique le projet de loi, selon un extrait publié par le quotidien public El Telegrafo.

Cette décision survient dans un climat tendu dans les médias en Équateur, où le président accuse régulièrement les groupes de presse privés de chercher à déstabiliser son gouvernement.

Outre l'instauration d'un organisme de contrôle, la loi sur la communication a également réduit la part des fréquences audiovisuelles octroyées aux médias privés jusque-là en position dominante.

De son côté l'opposition dénonce des restrictions à la liberté d'expression, une inquiétude relayée par certaines organisations internationales. Un recours contre la loi sur la communication a été déposé par ses détracteurs devant le Conseil constitutionnel.

Cesar Ricaurte, le directeur de Fundamedios, une ONG de défense des médias au ton très critique envers le gouvernement, a estimé que l'exemption des réseaux sociaux du champ du contrôle des médias n'empêcherait pas des poursuites judiciaires pour injures.

«Que les opinions ne soient pas sujettes au champ administratif ne signifie pas qu'elles ne seront pas punies pénalement. Il y a une volonté de contrôle des contenus, y compris d'internet», a-t-il réagi auprès de l'AFP.

Une gouvernance mondiale de l'internet 

Rafael Correa, une des figures de la gauche en Amérique latine, a par ailleurs prôné mercredi une gouvernance mondiale pour l'internet, afin de lutter contre l'espionnage mais aussi contrôler les abus des internautes.

«Nous avons besoin d'une gouvernance de l'internet, non seulement pour protéger la confidentialité des communications mais aussi pour y contrôler les excès», a déclaré M. Correa, lors d'une rencontre avec les correspondants de la presse étrangère à Quito.

L'Équateur a déjà affiché un soutien appuyé à l'ex-consultant de l'Agence américaine de sécurité (NSA) Edward Snowden, après avoir accordé l'asile politique au fondateur du site WikiLeaks Julian Assange, réfugié depuis juin 2012 dans son ambassade à Londres.

Le président Correa a, par ailleurs, réaffirmé à ce dernier qu'il pourrait y «rester le temps qu'il voudra», tout en reprochant à la Grande-Bretagne de ne pas lui délivrer de sauf-conduit.

Le cybermilitant australien, recherché par la Suède pour une agression sexuelle qu'il nie, redoute d'être à terme extradé aux États-Unis et d'y encourir la peine de mort en raison de la publication par WikiLeaks de documents secrets américains, une crainte partagée par Quito.

Sur le plan intérieur, M. Correa est en conflit ouvert avec les médias privés, accusés de chercher à déstabiliser son gouvernement, et il a déjà poursuivi plusieurs journalistes pour injure à son endroit.

Critiqué par l'opposition pour avoir promulgué une loi instaurant un organisme de régulation des médias, dénoncé par ses détracteurs comme une censure déguisée, le chef de l'État a finalement exclu les réseaux sociaux du champ de contrôle de la presse, mais il a de nouveau dénoncé les abus commis sur internet.

L'internet peut-être un refuge pour les «lâches», a-t-il lancé devant la presse, en donnant son propre exemple à propos d'un site le présentant comme un «pédophile» avec une photo de son propre fils.

«On ne peut pas accepter ces lâchetés, ces excès sur internet. Il faut trouver le juste milieu entre les droits de l'homme et la liberté d'expression sur internet», a insisté M. Correa.

En contentieux avec le pétrolier américain Chevron, qui refuse de payer une amende pour pollution, le président équatorien a également affirmé dans le passé que ses courriels personnels concernant cette affaire avaient été interceptés par l'opposition et servi à la défense juridique de la compagnie.