Plus de restriction ou plus de souplesse? Les réactions des observateurs étaient partagées après la double modification par Facebook des paramètres de confidentialité des mineurs: leurs messages seront moins visibles mais les 13-17 ans pourront aussi publier des contenus accessibles à tous les utilisateurs.

Facebook, le réseau social aux 1,2 milliard d'utilisateurs, a annoncé mercredi une évolution à deux niveaux de ses paramètres de confidentialité pour les nouveaux inscrits mineurs.

D'un côté, «les jeunes de 13-17 ans qui ouvrent un compte Facebook se verront désormais proposer un paramétrage limité à une audience "amis" par défaut. Il s'agit donc d'une audience plus restrictive puisqu'auparavant le partage par défaut était proposé aux "amis d'amis"», explique le groupe dans son communiqué.

De l'autre côté, les mineurs pourront désormais publier des contenus visibles par tout le monde en réglant les paramètres de confidentialité sur «public», ce qui n'était pas possible jusqu'à présent, le niveau maximum de diffusion étant «amis d'amis».

«D'un côté, on observe plus de restrictions et d'un autre moins de restrictions. Alors quel est le discours de Facebook?», s'interroge Pascale Garreau, responsable du programme éducatif Internet sans crainte.

«Il ne faudrait pas que ce soit l'arbre qui cache la forêt. Il y a des points de vigilance importants», renchérit Sophie Nerbonne, directrice adjointe des affaires juridiques de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en France.

Pour justifier cette plus grande visibilité des messages des mineurs, Facebook explique notamment que «les jeunes s'expriment déjà publiquement sur un certain nombre de plateformes, de sites et de services», en référence à d'autres réseaux sociaux comme Twitter ou ask.fm, où la majorité des messages sont visibles par tous.

Disant vouloir «répondre à cette évolution», Facebook fait valoir qu'il a instauré une «étape de pédagogie renforcée». Concrètement, avant de valider une publication sur son fil d'actualité en mode «public», les jeunes utilisateurs recevront une notification (fenêtre ou pop-up, NDLR) leur rappelant que leurs publications seront en libre accès.

Séduire les plus jeunes

«Pour nous, citoyens ou parents, cela pose la question suivante : doit-on mettre de plus en plus de responsabilités sur les épaules des jeunes?», demande Pascale Garreau. Selon elle, «si on va dans cette direction, il faut que les adultes qui entourent ces jeunes fasse un effort d'éducation dès le plus jeune âge».

«On a tous entendu des choses atroces de harcèlement sur les réseaux sociaux. Un avertissement, ça ne me semble pas suffisant. Ce changement, ce n'est pas une bonne nouvelle», tranche Olivier Gayraud, chargé de mission sur les questions de confidentialité et nouvelles technologies à l'association de consommateurs CLCV.

«Quand vous publiez des contenus avec une sécurité moins importante, vous êtes confrontés à la problématique du droit à l'oubli qui pose de plus en plus de soucis au gens», ajoute ce juriste.

Au risque de créer la polémique, avec cette évolution Facebook cherche à séduire les plus jeunes à l'heure où se multiplient les réseaux sociaux concurrents, décrypte Olivier Ertzscheid, maître de conférences à Nantes en sciences de l'information.

«Avec son 1,2 milliard d'utilisateurs, Facebook a commencé à observer qu'il y avait un petit effet de saturation. Sa seule marge de progression est sur les publics mineurs», déclare-t-il à l'AFP.

Le réseau social est théoriquement interdit aux moins de 13 ans. Mais nombre d'entre eux s'inscrivent en mentant sur leur âge. «Un tiers des élèves que l'on rencontre dans les classes sont sur Facebook avant 13 ans et souvent avec l'accord des parents», confie Pascale Garreau, du programme Internet sans crainte.

«Quand je me suis inscrit il y a quelques années, j'avais donné mon vrai âge et je m'étais fait recaler. Depuis, je donne celui de mon grand frère partout», témoigne Romain, lycéen qui sera majeur dans quelques jours.