Inclus dans le JOBS Act du président américain Barack Obama et déjà populaire en Australie et en Angleterre, le financement d'équité par l'internet, à mi-chemin entre le financement volontaire à la Kickstarter et une inscription à la Bourse, a également ses partisans au Québec. L'enjeu: stopper l'exode des cerveaux branchés de la Belle Province.

«Il y a effectivement urgence d'agir, car nous assistons actuellement à une fuite de certains de nos meilleurs entrepreneurs en technologie, qui vont chercher du financement à l'étranger. Ce ne sont pas de grosses sommes, quelques centaines de milliers de dollars tout au plus, mais ça fait la différence», explique Diana Yazidjian, elle-même entrepreneure dans le secteur des médias sociaux et cofondatrice du site Invest Crowdfund Québec, lancé la semaine dernière.

Ce site a pour but de cimenter l'intérêt encore tout naissant des petits investisseurs qui sont à la fois financièrement à l'aise et qui s'estiment assez informés pour investir dans de nouvelles entreprises à l'extérieur du cadre actuellement défini par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

En offrant une telle solution aux entreprises en quête d'un financement relativement modeste, mais trop important pour solliciter uniquement la famille et les amis, le Québec et les autres provinces canadiennes contribueraient à relancer la création d'entreprises au pays, soutient Mme Yazidjian. Elle se base sur les résultats obtenus par l'Australian Small Scale Offerings Board (ASSOB), plateforme web qui a généré des investissements d'un peu plus de 130 millions de dollars australiens depuis 2006.

«C'est comme investir en Bourse: il y a des risques, et les investisseurs doivent être enregistrés. Les entreprises doivent évidemment faire preuve de transparence, car si des sites comme Kickstarter permettent de vendre un produit avant de le fabriquer, sur une plateforme comme l'ASSOB, l'entreprise se vend elle-même.»

Provinces

Pour qu'une telle plateforme voie le jour au Canada, il faudrait qu'au moins une province révise ses lois sur le financement d'entreprises. Au Québec, c'est l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui se fait tirer l'oreille. L'organisme affirme suivre le dossier de près.

Il n'est pas seul. Demain, la commission des valeurs mobilières du Nouveau-Brunswick entendra une table ronde d'experts sur le sujet, afin d'explorer le potentiel du financement volontaire comme levier financier pour ses entreprises.

«Nous espérons que ce ne sera que le début d'un processus d'apprentissage sur les risques et les bénéfices de ce qui s'annonce comme la plus récente formule de financement privé en Amérique du Nord», explique David Barry, directeur de la commission néo-brunswickoise.

Par Amérique du Nord, M. Barry veut dire États-Unis. Le JOBS Act, un projet de loi visant à stimuler l'innovation au sein des entreprises, compte y faire une place à ce phénomène émergent. Le bémol: seuls les gens ayant des revenus suffisants pourront être autorisés à investir.

Un système financier à deux vitesses? En quelque sorte, mais c'est pour prévenir les abus, dit-on. «Selon ce modèle, ce ne sont pas tous les Américains qui pourront investir», explique Diana Yazidjian. «C'est un seuil de confiance pour attirer les entreprises. C'est ce qu'on demande aussi à l'AMF.»

Les trois autres demandes d'Invest Crowdfund Québec: permettre la création d'une plateforme web de financement d'équité, régler un cadre assurant la transparence des entreprises et adapter les règles de protection des petits investisseurs à l'ère internet.

L'organisme est optimiste: on pourrait voir une telle plateforme au Québec dès la fin 2013, ou en 2014. «Si ça arrive, ça aura un effet bénéfique instantané sur la création d'entreprises, la création d'emplois et même sur les finances publiques», conclut l'entrepreneure montréalaise.

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