Les autorités chinoises peinent de plus en plus à contrôler la masse d'informations circulant grâce aux microblogues et alternent mises en garde et actions de censure qui témoignent de leur nervosité.

Les services de microblogues (appelé «weibo» en Chine) sont un moyen particulièrement prisé par les Chinois pour communiquer, critiquer le pouvoir et dénoncer d'éventuelles injustices dans un pays où la presse est muselée par l'État.

Vu l'explosion du nombre de contributeurs -- la Chine compte près d'un demi-milliard d'internautes -- certains messages très négatifs vis-à-vis des autorités, notamment sur les microblogues, peuvent rester en ligne des heures, voire des jours, avant d'être censurés.

Comme pour les insurrections du monde arabe, en Chine les réseaux sociaux sont devenus l'espace «où se forme l'opinion publique», explique Hu Yong, professeur de journalisme à l'Université de Pékin.

Il cite en exemple la décision prise par les autorités de la ville de Dalian (nord-est) de déménager une usine de produits chimiques, après de vives protestations de la classe moyenne locale, dont la mobilisation trouve ses origines dans des messages weibo.

Sous la pression, «le secrétaire du Parti (communiste) de Dalian est sorti pour prononcer un discours promettant de fermer l'usine chimique», a souligné M. Hu. «C'est rare de voir cela. Ceci est important».

Le nombre d'utilisateurs de services de microblogging a plus que triplé au cours de la première moitié de 2011, selon des données officielles. Le premier d'entre eux est Sina Weibo, opéré par le géant de l'internet Sina.com, alors que Twitter est censuré en Chine, et qui revendique quelque 200 millions de comptes.

Les membres qui ont un compte peuvent poster des commentaires, des vidéos et des photos -- y compris des documents sensibles qui seraient censurés dans la presse officielle -- ou répercuter d'autres messages, permettant aux informations de se propager rapidement dans ce pays de 1,3 milliard d'habitants.

Un accident de train dans l'est de la Chine qui a tué 40 personnes en juillet a déclenché une vague de critiques qui s'est répandue grâce aux microblogs: des milliers de personnes ont exigé de savoir pourquoi plus de soin n'avait pas été apporté à la sécurité sur le réseau ferroviaire à grande vitesse du pays.

L'ampleur de la réaction a semblé prendre les autorités par surprise. Peu après l'accident, le Quotidien du peuple, l'organe officiel du Parti communiste, a encouragé les responsables officiels à utiliser Weibo pour mieux communiquer avec les citoyens.

Quelques semaines plus tard, le plus haut fonctionnaire du PC de Pékin, Liu Qi, a visité les bureaux de Sina et Youku, un site chinois similaire à YouTube, pour leur demander d'arrêter de propager des «informations fausses et nuisibles».

L'agence officielle Chine nouvelle a de son côté appelé les sites internet à mettre fin au «cancer» des rumeurs sur la Toile.

Selon Xiao Qiang, spécialiste des médias à l'Université de Californie (Berkeley), les microblogues permettent aux citoyens de s'exprimer plus facilement, et rend plus difficile la tâche des censeurs.

«Weibo est une plate-forme de média social particulièrement efficace pour agréger des micro-opinions afin de former une voix collective», a-t-il déclaré à l'AFP.

«Ce mécanisme de formation de l'opinion publique est nouveau et pose effectivement un défi à la méthode traditionnelle de contrôle et de censure du parti».

Cette censure fonctionne toutefois encore, constate David Bandurski, membre du China Media Project à l'université de Hong Kong, qui note que les références aux manifestations contre l'usine chimique de Dalian ont été supprimées.

Mais, prédit-il, Pékin ne sera pas capable de «remettre le génie dans la lampe» après que l'appétit des cybermilitants chinois pour des informations plus libres eut été aiguisé.