Vous téléchargez quelques chansons par mois, parfois un épisode de votre série télé préférée? Vous ne le savez peut-être pas, mais votre fournisseur d'accès internet réduit la vitesse de votre bande passante au même titre que votre voisin qui passe ses soirées entières à télécharger des films sur l'internet.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pourrait toutefois forcer les fournisseurs internet à faire la distinction entre ceux qui téléchargent à l'occasion et ceux qui étranglent constamment le réseau. Même s'il a donné raison aux fournisseurs internet hier dans une cause impliquant Bell, l'organisme fédéral a l'intention de tenir des audiences sur la gestion du trafic sur l'internet en juillet prochain.

 

L'affaire a commencé en octobre 2007, alors que Bell a décidé de réduire la vitesse de bande passante de ses clients qui utilisaient des logiciels peer to peer (téléchargement entre utilisateurs) comme BitTorrent afin de télécharger du contenu audio et vidéo. Ces logiciels permettent d'accéder à du contenu à la fois légal et illégal en matière de droits d'auteur. Le téléchargement sur le populaire site web YouTube n'est pas affecté par la politique de Bell car il ne s'agit pas de téléchargement peer to peer.

«Quelques personnes utilisent une quantité énorme de notre bande passante et causent une congestion dans notre réseau, ce qui affecte les autres personnes qui utilisent l'internet pour lire les nouvelles et faire ses transactions bancaires», explique Mirko Bibic, premier vice-président aux affaires réglementaires et gouvernementales de Bell.

En avril suivant, Bell a étendu cette politique aux fournisseurs d'accès internet qui se servent de son réseau. «Nos propres clients voyaient leur vitesse réduite mais pas ceux des fournisseurs qui utilisaient notre réseau, dit Mirko Bibic. C'était de la discrimination à l'envers.»

L'Association canadienne des fournisseurs internet (ACFI), qui représente 55 fournisseurs, dont l'entreprise québécoise ColbaNet, ne l'entendait pas ainsi. Elle a porté plainte au CRTC. Sans succès. Le débat a toutefois suffisamment intéressé le CRTC pour que l'organisme fédéral ordonne la tenue d'audiences publiques en juillet prochain. «Bell n'a pas contrevenu à la loi selon la preuve qui nous a été présentée, mais il y a des enjeux plus importants à considérer, dit Len Katz, vice-président du CRTC. Il faut établir jusqu'à quel point les entreprises comme Bell peuvent gérer le trafic sur leur réseau.»

L'ACFI espère que le CRTC profitera de l'occasion afin de forcer les fournisseurs accès à punir seulement les utilisateurs les plus actifs de logiciels peer to peer. Les utilisateurs occasionnels ne verraient ainsi plus leur vitesse de bande passante être réduite jusqu'à 10 minutes après un téléchargement.

«Présentement, les fournisseurs internet mettent tout le monde dans le même panier, dit Tom Copeland, président de l'ACFI. Une personne qui télécharge une chanson par semaine est traitée de la même façon qu'une personne qui passe ses soirées à télécharger des films en haute définition. C'est comme si la police arrêtait toutes les voitures qui dépassent la limite permise sur l'autoroute...»

Selon l'ACFI, Rogers aurait admis exercer des pratiques similaires à Bell en matière de gestion du trafic de son réseau, alors que Vidéotron resterait muet sur la question.