Fin 2007, les chances de John McCain de décrocher la nomination républicaine fondaient à vue d'oeil. Alors que l'argent se tarissait et que les défections se multipliaient, son équipe s'en est alors remise au site de partage de vidéos «YouTube».

«La campagne de McCain était en train d'imploser», rappelle Julie Germany, directrice de l'institut d'études politiques, de démocratie et d'internet de l'université George-Washington. «Ils ont décidé que l'investissement stratégique dans les Etats les plus disputés lors des primaires serait de mettre en ligne des vidéos sur YouTube», selon elle.

Les responsables de la campagne «ont compris qu'en définitive, (ces vidéos) se retrouveraient dans les journaux de toutes les chaînes de télévision et que les gens parleraient d'elles dans les émissions de débat. Et ils avaient raison», explique l'universitaire à l'AFP.

Le retour en grâce puis la victoire de M. McCain aux primaires doivent beaucoup à ces publicités, s'accordent à dire les observateurs. Fort de ce succès, l'équipe du sénateur de l'Arizona a continué à produire de telles vidéos, cette fois contre son rival démocrate Barack Obama.

«Les équipes de campagne mettent les vidéos sur internet en sachant bien que leurs partisans vont les distribuer pour elles», souligne Andrew Rasiej, co-créateur de «techpresident.com», un bloc-notes en ligne qui s'intéresse à la façon dont la technologie fait évoluer la politique.

Pour lui, «cette plate-forme que nous appelons YouTube a donné naissance à un tout nouveau système de fonctionnement médiatique».

Certaines des vidéos les plus marquantes de M. McCain, comme celles dans lesquelles M. Obama était qualifié de «vedette» ou de prophète, n'ont jamais été diffusées lors de plages de publicité télévisées. Mais elles ont été relayées par les chaînes d'information en continu, commentées par les blogueurs et les journaux.

Tant McCain qu'Obama possèdent leur propre «canal» sur YouTube, site qui a pour gros avantage d'être gratuit. Tourner une vidéo en basse définition coûte évidemment beaucoup moins cher que de réaliser un film publicitaire destiné aux télévisions.

«Les candidats dépendent toujours en grande partie des médias traditionnels pour faire passer leur message, mais ils profitent de plus en plus d'autres moyens pour court-circuiter les médias et parler directement aux électeurs», note Lee Rainie, spécialiste d'internet au centre de recherches politiques Pew.

Pour Steve Grove, responsable des affaires médiatiques et politiques chez YouTube, propriété du géant Google, son site constitue «la plus grande salle de débats politiques du monde».

Le site, vers lequel 13 heures de vidéo sont envoyées chaque minute selon son cofondateur Chad Hurley, est aussi devenu une source de choix pour les amateurs de parodie.

De la reprise des émissions de télévision satiriques aux vidéos humoristiques réalisées dans une cave en passant par les diatribes enflammées face à une «webcam», on trouve de tout et le bouche-à-oreille peut transformer une oeuvre en phénomène «viral» en l'espace de quelques heures.

«C'est une culture qui a inventé le dessin animé politique et maintenant, avec ces technologies numériques, on peut trouver de nouvelles façon de jouer avec le matériel (politique) et de s'amuser», selon M. Rainie.

Si une vidéo de la colistière de M. McCain, Sarah Palin, face à un exorciste kényan a fait surface peu après sa sélection sur le «ticket» républicain, la campagne de 2008 n'a pas encore vu de «moment YouTube», quand une gaffe ou un lapsus embarrassant d'un candidat se retrouve immédiatement sur internet, remarque toutefois Mme Germany.