Des jeunes talents, des salaires peu élevés, et de l'argent frais disponible: avec cette recette, Budapest multiplie les start-ups et se rêve en capitale des jeunes pousses technologiques en Europe centrale.

Cette ambition a déjà pris corps dans les locaux tout en verre et ultra-modernes de Ustream, un fournisseur de Samsung, Sony ou Cisco, dont le fondateur et directeur de la technologie, Gyula Fehér, reçoit l'AFP en tongs.

Ustream, un spécialiste du streaming vidéo fondé en 2007, emploie désormais 250 employés, dont la moitié dans la capitale hongroise, et les autres en Californie, Séoul et Tokyo. Sa valeur a été estimée à 150 millions de dollars par The Economist.

«En fondant une énième start-up dans la Silicon Valley, nous serions passés inaperçus», explique Gyula Fehér, un touche-à-tout de 36 ans, juriste de formation. «Avec tous les talents disponibles, on a estimé que notre activité fleurirait aussi bien ici.»

Ustream figure dans le trio de tête des quelque 200 start-ups parties des rives du Danube à la conquête du monde. À leur sommet figure LogMeIn - un « cloud « permettant de gérer un parc informatique à distance -, estimée 1,2 milliard de dollars.

«En cinq ans, les succès se sont multipliés», s'enthousiasme Péter Arvai, le fondateur de Prezi (outil de présentation 3D), la troisième plus grande start-up du pays. «L'énergie créatrice commence à se libérer de façon palpable.»

Des ingénieurs bien formés et à bon prix

La qualité de la formation scientifique, de longue tradition en Hongrie, apporte un début d'explication, d'autant que ce pays cultive des passerelles renforcées entre l'université et l'entreprise.

L'Institut national de l'innovation incarne cette orientation. Fondé en 2012, il a été renforcé dès l'année suivante dans le cadre d'un plan du gouvernement pour faire de Budapest la capitale centre-européenne des startsy-up d'ici à 2020.

David Ottlik, co-fondateur de Synetiq, une société qui monnaie l'analyse d'émotions, insiste de son côté sur la facilité à trouver des fonds en Hongrie: «Il y a beaucoup d'argent ne demandant qu'à être investi, et peu de start-ups viables. À San Francisco, c'est l'inverse!».

L'argent frais prend en partie pour levier le programme Jeremie, un volet de la politique européenne de développement régional.

Avant cet outil conçu pour favoriser l'accès au financement des PME et des starets-up, «les start-ups étaient négligées, et l'argent allait à des projets économiques moins risqués», témoigne Judit Karsai, économiste à l'Académie des sciences de Hongrie.

Autres éléments distinguant selon elle la Hongrie de ses voisins: «La disponibilité de fonds publics, et la présence d'investisseurs en capital risque qualifiés».

Enfin, facteur décisif, le faible niveau des salaires hongrois allonge le « burn rate «, c'est-à-dire le temps dont dispose une start-up naissante, lors de la phase cruciale de son démarrage, avant d'avoir épuisé son capital initial.

Heures supplémentaires par dizaines 

Csongor Biás, directeur de projet à Design Terminál, un incubateur de start-up financé par le gouvernement hongrois, rappelle ainsi que «chaque année, 8000 à 10 000 jeunes ingénieurs formés en Hongrie commencent leur carrière à partir de 250 000 forint par mois (environ 1174 $), soit quatre fois moins cher qu'à Berlin».

Parmi les bémols à la «success-story» de Budapest, les observateurs ne manquent pas de relever que certains projets annoncés fin 2013 par le gouvernement attendent encore d'être financés.

Le financeur Imre Hild, directeur de iCatapult, observe aussi que dans certaines start-up hongroises, les salariés n'ont pas encore pris le pli d'empiler autant d'heures supplémentaires que leurs collègues étrangers.

Pour Péter Arvai, néanmoins, «il y a autant de créativité et d'ambition» à Budapest que dans les pôles hi-tech plus reconnus que sont Londres, Berlin et Stockholm.