Quand un chercheur entreprend d'étudier les comportements humains, il doit se frotter à ses sujets. Mais si ces humains évoluent dans un monde virtuel, tout se fait différemment.

Au cours de l'été, un nouvel outil sera mis à la disposition de chercheurs universitaires montréalais. Un monde virtuel habité par une cinquantaine d'étudiants qui auront accepté de jouer pour la science.

Ce laboratoire universitaire nouveau genre sera mis en place à HEC Montréal. Il pourrait, par exemple, servir à des chercheurs qui travaillent en sociologie ou en anthropologie.

«Dans ces domaines, l'observation doit être participante, c'est-à-dire qu'on doit observer un groupe d'individus sur place. Nous allons permettre aux chercheurs de s'immiscer à l'intérieur d'un groupe tout en étant invisibles. Les chercheurs ont tous les avantages d'une observation participante sans les inconvénients et le biais que ça peut apporter», explique Benjamin Devienne, responsable du In-Virtuo Lab.

Avec ce nouvel outil adapté du jeu Minecraft, les chercheurs auront accès à des conditions presque parfaites, qu'ils s'intéressent à la finance ou à la philosophie. Ils pourront étudier tout ce qui se dit et se fait dans l'univers virtuel.

«Dans notre monde, il n'y a pas de mission, pas de but. Les gens sont livrés à eux-mêmes sur une île déserte, où ils peuvent récolter des ressources et les rassembler», dit Benjamin Devienne.

Quant aux participants, ils ne sauront pas si les conversations et les agissements de leurs doubles numériques sont étudiés ni sur quel sujet. «Ils n'ont qu'à agir normalement, à jouer», explique Benjamin Devienne.

Le chercheur de 24 ans a dû faire preuve de persuasion pour convaincre HEC Montréal de financer son laboratoire virtuel, qui n'a son égal nulle part ailleurs dans le monde.

«C'est un domaine qui est nouveau. Les gens ont souvent des difficultés à comprendre exactement ce qu'on y fait, et c'est à force d'insister que HEC Montréal a accepté de nous faire confiance», dit celui qui s'est également intéressé au comportement des joueurs dans les mondes virtuels.

Benjamin Devienne a l'habitude de devoir convaincre que son champ d'étude est pertinent. Au cours de ses études en Angleterre, il s'est buté à la London Business School, qui lui a dit que ses recherches «ne menaient nulle part». Il a dû changer d'établissement pour poursuivre ses travaux.

Mais aujourd'hui, dans une ville où l'industrie du jeu vidéo est omniprésente, le In-Virtuo Lab suscite beaucoup d'intérêt. «On veut montrer que le jeu virtuel, ça peut-être des relations humaines, de la collaboration, de l'entraide, beaucoup d'autres valeurs que de la compétition pure», conclut Benjamin Devienne. Les joueurs seront bientôt prêts, il ne restera qu'aux chercheurs à les étudier.

Benjamin Devienne présentera le In-Virtuo Lab dans le cadre de la conférence TEDxUdeM qui se tient dimanche à Montréal.