Zvi Schreiber dirige, de Jérusalem, une entreprise de haute technologie mettant en rapport ses clients à travers le monde. Mais lui-même ne peut se rendre à son siège social, à tout juste 15 km, et doit rencontrer ses propres collaborateurs palestiniens en plein désert.

Sa société se trouve en Cisjordanie occupée et les 30 ingénieurs palestiniens qu'il emploie, créateurs de ses logiciels, doivent demander des permis spéciaux pour pouvoir s'entretenir avec lui dans la Ville sainte.«Je suis probablement le seul PDG au monde à qui on interdit de visiter le siège social de son entreprise (...) à 15 km de son domicile», dit cet Israélien.

L'internet a virtuellement abattu les frontières, mais Israéliens et Palestiniens sont toujours séparés par des murs de béton, des tranchées et des rouleaux de barbelés.

La société «G.ho.st» de Zvi Schreiber a mis au point un système qui permet à ses utilisateurs d'accéder à une banque de données à partir de n'importe quel ordinateur ou téléphone cellulaire dans le monde.

Les informations sont stockées au centre Amazon.com et sont régulièrement mises à jour par la société.

Quelque 200 000 clients ont déjà recours à ce système, dont l'ultime version a été récemment présentée au personnel de l'entreprise réuni, pour l'occasion, à ciel ouvert, dans un champ situé au sud de Jérusalem, à la faveur d'une faille dans la «barrière de sécurité» qu'Israël édifie en Cisjordanie.

«J'ai souvent participé à des inaugurations dans ma vie, mais celle-ci est l'une des plus inhabituelles», a avoué un invité d'honneur, Tony Blair, ex-premier ministre britannique et envoyé spécial au Proche-Orient du Quartette (USA, Russie, UE, ONU).

«Nous nous tenons en face de ce symbole de la division (la barrière), mais vous oeuvrez à l'union», s'est-il félicité.

Les recherches et la mise au point du système de «G.ho.st» ont été effectuées par une trentaine d'ingénieurs palestiniens dans un bureau d'études de Ramallah (Cisjordanie), dont les salaires sont trois fois inférieurs à ceux de leurs homologues en Israël.

Les employés des deux bords tiennent régulièrement des vidéo-conférences et communiquent par «Messenger». Mais pour se retrouver en face-à-face, ils doivent emprunter une route désertique qui serpente entre Jérusalem et Jéricho.

«En fait, c'est une station-essence qui nous sert de point de ralliement», à l'extérieur de la barrière de sécurité, explique Montasser Abdellatif, un Palestinien responsable du marketing.

Cet ouvrage s'étire déjà sur quelque 400 km et englobe 13% de la Cisjordanie, dont la partie orientale de Jérusalem annexée par Israël, selon des chiffres de l'ONU.

Israël affirme qu'elle empêche des infiltrations de kamikazes palestiniens venant commettre des attentats suicide. Les Palestiniens, eux, parlent d'un «mur de l'apartheid» compromettant la continuité territoriale et la viabilité de leur futur Etat.

En juillet 2004, la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé illégale sa construction et exigé son démantèlement, tout comme l'a fait ensuite l'Assemblée générale de l'ONU.

«Nous créons des emplois, sommes bien payés et pouvons travailler ici en Palestine plutôt que de nous expatrier», se félicite pour sa part Khaled Ayyash, un des responsables de «G.ho.st».

Il reproche aux différents gouvernements israéliens d'avoir échoué à promouvoir la paix, mais souligne «les relations très respectueuses» prévalant au sein du personnel de l'entreprise.

«Nous sommes tous des professionnels. Nos clients continueront de nous faire confiance s'ils sont satisfaits de nos services. Faute de quoi, ils nous lâcheront, que nous soyons Israéliens ou Palestiniens», ajoute-t-il.

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