Les ouvriers de l'usine polonaise de Dell ont accueilli avec plus de soulagement que de joie sa décision de délocaliser sa production irlandaise d'ordinateurs à Lodz, ancienne ville sinistrée devenue pôle d'attraction d'investissements étrangers.

«Nous comprenons que c'est un coup dur pour les Irlandais, nous avons aussi connu en Pologne des taux de chômage élevés mais il est difficile de ne pas être un peu égoïste dans une telle situation», dit Bartosz, un salarié de 23 ans de l'usine et étudiant en informatique en attendant le bus qui doit le ramener chez lui.

Rafal Branowski, responsable de la communication du fabricant informatique américain en Pologne, dit ne pas savoir combien des 1.900 emplois détruits à Limerick en Irlande seront transférés sur le site dernier cri de Lodz.

Les trois chaînes de production de la gigantesque usine polonaise, qui couvre la surface de cinq terrains de football, emploient 1.800 personnes pour assembler à partir de composants fabriqués en Asie des ordinateurs portables destinés aux marchés d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique.

«La décision de transférer la production de notre usine irlandaise de Limerick ici à Lodz et dans d'autres endroits fait partie d'un plan d'économies de trois milliards de dollars», explique M. Branowski, ajoutant qu'au moins une chaîne de production d'ordinateurs personnels et de serveurs devrait démarrer d'ici un an avec à la clé plus de 300 emplois.

Avec des salaires de 1.500 à 2.000 zlotys (343 à 457 euros), le coût de la main d'oeuvre en Pologne ne représente qu'une fraction de celui de l'Irlande.

En plus d'un marché du travail compétitif et qualifié, la proximité des principaux clients européens a joué un rôle clé dans la décision du deuxième producteur mondial d'ordinateurs de s'installer à Lodz il y a trois ans.

«Nous avons fait tout notre possible et même plus pour nous assurer que Dell viendrait ici», admet la coordinatrice des relations avec les investisseurs de la ville, Aleksandra Suszczewicz.

L'usine se trouve dans une des quatorze zones économiques spéciales de Pologne où les investisseurs sont exemptés de l'impôt sur la propriété et de l'impôt sur les bénéfices, de 19% en Pologne, en plus de fréquentes aides publiques pour le lancement de leurs projets.

La mairie de Lodz a créé toutes les infrastructures nécessaires, parmi lesquelles clôtures, routes et bus urbains sur le territoire alloué à Dell.

Cette politique du «client roi» a attiré 980 investisseurs étrangers jusqu'à présent dont des entreprise de taille comme Proctor and Gamble, Bosch-Siemens, CitiFinancial, Indesit, Gillette, Infosys, ABB, DHL, TNT et Flextronics.

Jusque récemment la deuxième ville du pays était perçue comme un haut lieu du boom industriel du XIXe siècle réduit à néant. La vague d'investissement y a réduit le chômage de 20% il y a quatre ans à un taux de 6,5% en décembre 2008.

La Pologne compte sur près de 10 milliards d'euros en investissements étrangers directs en 2009, selon le chef de l'Agence nationale des investissements étrangers (PAIiIZ), Pawel Wojciechowski.

Le taux de chômage était à la fin de l'année dernière de 9,5% dans ce pays entré dans l'Union européenne en 2004 et la plupart des experts prévoient une hausse de 2 points de pourcentage cette année.

«Nous sommes dans une situation différente de celle de la ville que Dell est en train de quitter en Irlande car notre économie n'est pas basée sur un seul investisseur stratégique, nous en avons un grand nombre», explique la porte-parole de la ville de Lodz Marzena Korostenska.

L'effondrement de l'industrie textile au début des années 1990 a servi de leçon, précise-t-elle.

«Dans le fond, il ne s'agit pas d'une concurrence entre deux villes européennes, Lodz et Limerick, mais de savoir si les emplois vont rester en Europe ou partir en Asie», affirme-t-elle.