Silicon Valley défend plus que jamais son titre de Mecque de la haute technologie. Cette région californienne rassemble plus d'un million de travailleurs. Ces gens, qui courent plus vite que leur ombre, ont un pouvoir énorme. Leurs concepts sont repris partout sur la planète. Notre journaliste Nicolas Bérubé est allé à leur rencontre. Une série captivante à lire jusqu'à dimanche.

Le 7 septembre 1998, deux étudiants au doctorat nommés Sergey Brin et Larry Page travaillaient dans le garage d'un ami à Menlo Park, en Californie, quand ils ont décidé d'incorporer leur projet de recherche.

Ils avaient programmé un système pour trouver des informations rapidement sur l'internet. Il y a peut-être de l'argent à faire avec ça, se sont-ils dit.

Leur première idée avait été de nommer le site «Googol.com». Un terme mathématique qui signifie 10 à la puissance 100. Mais le collègue qui était au clavier a fait une faute de frappe. Il a tapé «Google.com» à la place. Le nom est resté. Google Inc. était née.

Dix ans plus tard, Google est devenue la plus grande entreprise de Silicon Valley. Plus de 16 800 personnes y travaillent. Sergey Brin et Larry Page sont maintenant des légendes vivantes. Ils n'ont pas 35 ans, mais leur fortune est évaluée à 18,5 milliards de dollars chacun.

Aujourd'hui, Google fait plus que vendre de la publicité affichée avec les résultats de son moteur de recherche. L'entreprise veut mettre fin à la dépendance des États-Unis par rapport au pétrole. Elle veut trouver un moyen de faire aluner un robot. Elle veut donner plus d'un milliard de dollars à des causes sociales et environnementales. En d'autres termes: elle incarne le retour de la région au centre des préoccupations de son époque. La version 2.0 de Silicon Valley.

Un second souffle

Cela fait plus de 40 ans que Silicon Valley invente les outils qui changent la façon dont les gens vivent partout sur la planète. Durant le dernier boom, à la veille des années 2000, la région a vécu une véritable «ruée vers l'or», où toute personne qui incorporait un site web semblait pouvoir devenir multimillionnaire du jour au lendemain.

L'explosion de la bulle techno a refroidi les esprits. Aujourd'hui, la région est à nouveau un moteur d'innovations: près de la moitié de toutes les demandes de brevets en Californie proviennent de Silicon Valley, qui ne représente pourtant que 7% de la population de l'État.

La protection de l'environnement tient le haut de l'affiche: 62% des entreprises spécialisées dans les technologies vertes en Californie gravitent autour de Silicon Valley. Les investissements dans ce secteur sont passés de 175 millions en 2005 à plus de 1,5 milliard l'an dernier.

Pour Harry Kellogg, codirecteur de la firme de recherche Joint Venture Board, la région a assez de talent pour pouvoir résister à bien des tempêtes. «Il y a toujours eu des problèmes de temps en temps dans la vallée, mais nous avons toujours pu retomber sur nos pieds. On voit beaucoup de bonnes idées financées ici même. Il y a des gens qui en sont à leur troisième ou même à leur quatrième démarrage d'entreprise.»

Les indicateurs, note-t-il, montrent que Silicon Valley a le vent dans les voiles. La région continue d'attirer les esprits les plus brillants. Chaque année, près de 20 000 travailleurs ou étudiants de partout dans le monde y emménagent. Et les emplois qu'ils occupent sont payants: le revenu personnel médian y est 50% plus élevé que pour la moyenne des États-Unis.

Au-delà de la réussite économique, le succès de Silicon Valley réside sans doute dans sa capacité de produire des services et des produits qui sont en demande partout dans le monde. Facebook, Google, Apple, Craigslist, Digg: la liste s'allonge presque chaque semaine.

Le succès entraîne le succès. Kevin Rose, le jeune fondateur du site web Digg, dit avoir été inspiré par la réussite des fondateurs d'Apple pour se lancer en affaires. «Tu regardes ce qu'il y a là, et tu te dis: «Moi aussi je peux essayer de faire quelque chose. Je pense que j'ai une bonne idée. Et je vais tout faire pour qu'elle fonctionne.»