À pareille date l’an dernier, on était loin de se douter que tout était en place pour qu’un groupe restreint de trois joueuses domine outrageusement toutes les compétitions. Si ledit groupe s’est quelque peu élargi au fil des derniers mois, les chances d’assister à une conquête surprise aux Internationaux d’Australie sont toujours aussi minimes.

Iga Swiatek, Aryna Sabalenka et Elena Rybakina semblaient avoir pris le contrôle du sommet du classement de la WTA dans la première portion du calendrier de 2023. Les trois joueuses dans la vingtaine s’étaient partagé cinq tournois majeurs de suite en plus d’être des finales aux Masters de Dubai, Indian Wells, Miami et Madrid.

Comme Les BB, Rush ou les Chipmunks, le trio détenait tous les ingrédients pour écrire un refrain gagnant. Celui d’une domination attendue depuis extrêmement longtemps.

La triade avait créé un rempart entre elle et le reste du classement. Malgré des tentatives d’invasion de certaines joueuses, elle résistait.

La nouvelle saison s’amorce et la rambarde des trois joueuses se fragilise. Leur domination n’aura finalement duré que quelques mois, mais leurs munitions sont rechargées, elles sont prêtes à défendre leurs acquis.

Protéger leur place

Swiatek, Sabalenka et Rybakina occupent toujours les trois premiers rangs du classement, dans cet ordre. L’avenir est incertain, mais les chances sont bonnes que l’une de ces joueuses triomphe à Melbourne.

En somme, si le noyau est fragile, c’est davantage à cause de l’essoufflement de Rybakina en fin de saison. Swiatek et Sabalenka ont continué à bien jouer et surtout à progresser dans la deuxième moitié de la campagne. Alors que la Kazakhe n’a disputé aucune finale après celle de Rome, au début du mois de mai.

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Iga Swiatek

Pendant ce temps, Swiatek gagnait à Varsovie, Pékin et Cancún. Portrait similaire pour Sabalenka, visiblement incapable de connaître un mauvais tournoi.

C’est comme si, à bord d’un avion en marche, Swiatek et Sabalenka tenaient chacune un bras de Rybakina pour éviter qu’elle chute en plein voyage vers une nouvelle ère du tennis féminin. Mais qu’au bout de leur force, les deux meilleures joueuses étaient parvenues à tirer de justesse leur rivale à bord de l’appareil. La semaine dernière, Rybakina a remporté le tournoi de Brisbane en écrasant Sabalenka 6-0, 6-3. Difficile pour la grande joueuse de 24 ans d’arriver à Melbourne avec une meilleure erre d’aller.

Pour l’instant, le Big Three résiste, ce qui demeure une bonne chose pour le tennis féminin. Mais pour combien de temps encore ?

Qui percera la muraille ?

Aussi paresseux soit-il, le meilleur indicateur pour prédire qui détient les meilleures chances de défaire cette domination à trois reste le classement.

Au quatrième et au cinquième rang, Coco Gauff et Jessica Pegula sont sans doute les candidates les plus sérieuses pour briser l’hégémonie.

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Coco Gauff et Jessica Pegula

Gauff a remporté avec éclat les derniers Internationaux des États-Unis, tandis que sa partenaire en double a brillé à Montréal et aux finales de la WTA. Les deux ont en main les outils pour grimper au premier rang mondial, nul doute. Mais entre le vouloir et le faire, il y a tout un monde. En fait, il y a trois joueuses.

Pegula entretient un dossier négatif contre Swiatek et Sabalenka, tandis que même si Swiatek est devenue sa bête noire, Gauff a l’avantage sur Sabalenka et Rybakina dans l’historique de leurs duels.

Gauff a d’ailleurs retrouvé le chemin de la victoire à Auckland, dans un tournoi 250, la semaine dernière. Son association avec Brad Gilbert continue de faire effet et si une joueuse parvient à percer la muraille cette année, ce sera elle. Avec un premier titre majeur en poche, la suite ne peut être qu’enivrante.

Peu de marge de manœuvre

Mais qui dit tournoi majeur dit plus grand bassin de joueuses. Et qui dit plus de joueuses dit plus de candidates au titre.

De manière générale, les Internationaux d’Australie sont rarement le théâtre de triomphes inattendus. Il s’agit du premier tournoi de la saison, tout le monde arrive en santé et les meilleures sont habituellement les meilleures.

Mais la beauté du sport réside dans son imprévisibilité et personne n’est à l’abri d’une conquête surprise. Marketa Vondrousova nous l’a prouvé à Wimbledon l’an passé. Comme Emma Raducanu à New York en 2021.

Néanmoins, dans le contexte actuel, si la gagnante du tournoi ne se nomme pas Swiatek, Sabalenka, Rybakina ou Gauff, ce sera considéré comme une victoire surprise.

Il est même difficile d’imaginer d’autres joueuses du top 10 l’emporter. Ons Jabeur, Maria Sakkari, Karolina Muchova et Barbara Krejcikova ont-elles vraiment ce qu’il faut pour l’emporter sur surface dure ? Les arguments pour répondre par l’affirmative sont peu nombreux.

Il ne faudrait toutefois pas être découragé par ce constat. Le tennis féminin se cherche des idoles depuis belle lurette. On les a enfin trouvées. Il suffit de savoir pendant combien de temps elles brilleront. Pour le moment, on ne voit qu’elles. En se rappelant ce que le Big Three masculin a fait pour le tennis, personne ne devrait s’en plaindre.

Prédictions

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Aryna Sabalenka à l’entraînement à Melbourne, vendredi

La gagnante : Aryna Sabalenka. Pour la première fois de sa carrière, elle défendra un titre majeur. Elle a ce qu’il faut pour le faire avec panache.

La déception : Ons Jabeur. Elle s’est remise difficilement de son revers en finale de Wimbledon. Elle mettra encore un peu de temps avant de se remettre sur les rails.

La trouble-fête : Marketa Vondrousova. Rien de plus menaçant qu’une joueuse sachant gagner. Mais en même temps, elle peut s’écraser aussi facilement qu’elle peut s’élever.

La surprise : Leylah Annie Fernandez. Elle a joué comme une finaliste en Grand Chelem en fin de saison. Personne ne l’attend et c’est dans ce contexte qu’elle excelle.

La chouchou : Naomi Osaka. La joueuse de 26 ans a triomphé deux fois à Melbourne. La nouvelle maman revient au jeu après plusieurs mois d’absence.

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