Les noms des sportifs russes exclus des Jeux olympiques de PyeongChang pour leur implication présumée dans le scandale de dopage dans leur pays ont commencé à tomber mardi, et ce ne sont pas des inconnus, ravivant les appels au boycott à deux semaines de la compétition.

Après la légende du patinage de vitesse sur courte piste Viktor Ahn, les noms du médaillé de biathlon Anton Shipulin et de la patineuse Ksenia Stolbova, sacrée vice-championne d'Europe la semaine dernière, sont venus compléter la liste des athlètes non sélectionnables aux JO, faisant l'effet d'une douche froide en Russie.

Le Comité international olympique (CIO) avait annoncé vendredi que son panel chargé de sélectionner les athlètes russes «propres», présidé par l'ex-ministre des Sports française, Valérie Fourneyron, avait provisoirement éliminé 111 noms sur une liste de 500 proposés par les instances olympiques russes pour concourir sous drapeau olympique.

«En examinant soigneusement toutes les preuves à disposition, nous voulions être absolument certains qu'il n'y ait pas le moindre doute ni la moindre suspicion à propos de l'un des athlètes qui seront invités», a précisé Mme Fourneyron mardi, dans une réaction transmise par le CIO.

«Si un athlète ne figure pas sur la liste des athlètes invités, cela ne signifie pas nécessairement qu'il s'est dopé», a tenu à préciser l'ex-ministre qui préside également l'Autorité indépendante de tests (ITA), chargée de réaliser les tests antidopage sur les prochains JO. Les doutes les entourant n'ont sans douté pas été suffisamment levés.

Cette liste noire a été présentée lundi au Comité olympique russe (ROC) à Moscou pour faire l'objet d'ultimes tractations. Et si elle n'a toujours pas été rendue publique dans son intégralité, ses premières victimes ont stupéfié la Russie.

Mardi, le ROC a reconnu qu'elle comportait un certain nombre d'«athlètes russes de premier plan» dont le sextuple champion olympique de patinage de vitesse sur courte piste Viktor Ahn, le champion olympique de biathlon Anton Shipulin et le vainqueur du Tour de ski 2017 Sergei Ustyugov.

«Ces athlètes (...) n'étaient pas mis en cause dans le cadre de la commission Oswald, ils n'ont jamais été impliqués dans une quelconque histoire de dopage et tous les échantillons qu'ils ont fournis pendant leur carrière témoignent du fait que ce sont des sportifs propres», a regretté le vice-président du ROC Stanislav Pozdniakov, dans un communiqué.

Tout en assurant que ces décisions n'étaient pas «définitives», il a exigé du CIO des explications sur ces décisions.

«Despote et tyran»

Légende de sa discipline, le plus titré aux Jeux (6), et codétenteur avec l'Américain Apollo Ohno du plus grand nombre de médailles olympiques (8), Viktor Ahn devait être la star à PyeongChang en patinage de vitesse sur courte piste, sport élevé au rang de religion en Corée du Sud, son pays d'origine. La compétition devait marquer le retour triomphateur au pays de l'athlète à la crête rouge, sept ans après sa naturalisation russe.

«Si ces décisions sont effectivement prises, nous les regrettons profondément», a réagi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, disant «espérer que la situation sera éclaircie» lors des discussions en cours.

Le président de la fédération de patinage de vitesse Alexeï Kravtsov s'est dit «indigné par la décision injuste du panel du CIO d'exclure presque tous nos leaders sportifs des JO», qualifiant le Comité olympique de «despote et tyran».

En patinage artistique, outre Ksenia Stolbova, Ivan Bukin (danse sur glace) n'est pas sélectionnable, a indiqué la fédération russe, dénonçant «une provocation pour forcer les athlètes russes à renoncer à participer aux JO».

«Tout est fait pour que la Russie perde patience et pour que nous n'aillons pas du tout aux JO», a renchéri l'ex-champion de boxe désormais député Nikolay Valuev, cité par l'agence RIA Novosti.

L'exclusion de la Russie des jeux de PyeongChang avait déjà entraîné des appels au boycott, option finalement écartée par Vladimir Poutine.

Certains athlètes russes ont déjà été blanchis par le CIO, à l'instar des planchistes russes, a annoncé aux journalistes la Fédération russe de surf des neiges.

«Dieu merci, les gars peuvent maintenant s'entraîner avec plus de sérénité», a déclaré, soulagé, son président Denis Tikhomirov.

La Russie est engluée dans un scandale de dopage depuis le rapport du juriste canadien Richard McLaren, qui a établi que le pays avait mis en place un dopage institutionnalisé entre 2011 et 2015, notamment lors des Jeux olympiques en 2014 organisés à Sotchi, dans le sud de la Russie.

Dans son rapport, Richard McLaren s'est notamment basé sur les déclarations de l'ancien patron du laboratoire antidopage russe Grigori Rodtchenkov, qui a affirmé qu'au moins 15 médaillés russes des JO de 2014 à Sotchi étaient dopés et ont bénéficié d'un système de manipulation des contrôles antidopage impliquant les services secrets russes et le ministre des Sports de l'époque Vitali Moutko.

Le 5 décembre, l'instance suprême de l'olympisme a pris la décision de suspendre le ROC, tout en autorisant les athlètes russes «propres» à participer aux JO de 2018 sous bannière olympique.