(Yanqing) Marie-Michèle Gagnon était « très nerveuse » quelques heures avant la dernière course olympique à vie. « Nerveuse et relaxe, un drôle de feeling. »

Contrairement à ses habitudes, elle ne parlait à personne, concentrée sur sa musique, un « mix sur Spotify ».

Après sa cinquième place à l’entraînement de la veille, elle croyait avoir une chance raisonnable de monter sur le premier podium de sa carrière en descente. Être une « prétendante », c’est exactement ce qu’elle s’était imaginé en faisant la transition de la technique vers la vitesse, cinq ans plus tôt.

Le report du départ d’une demi-heure en raison des forts vents lui a donné le temps de retrouver son calme, jeudi matin. Elle a même dormi une demi-heure dans le salon des athlètes au sommet de la station de Yanqing, à un peu plus de 2000 mètres d’altitude.

Dossard 8 pour sa première descente olympique à vie, Gagnon a poussé du portillon avec l’intention de se rapprocher de l’Italienne Elena Curtoni, première partante dont le temps de référence tenait toujours.

Après avoir fait apparaître du vert aux deux premiers chronos intermédiaires, la Québécoise de 32 ans a graduellement cédé du terrain en bas de parcours, comme les coureuses qui l’avaient précédée.

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Après sa cinquième place à l’entraînement de la veille, Marie-Michèle Gagnon croyait avoir une chance raisonnable de monter sur le premier podium de sa carrière en descente.

Dans l’aire d’arrivée ensoleillée et encaissée entre deux rochers, elle a traversé la ligne au troisième rang, à 58 centièmes de Curtoni. Elle savait bien que ça ne tiendrait pas pour une médaille.

« Quelques petites erreurs, a-t-elle soufflé à la caméra. Ce sont mes derniers Jeux olympiques, je vous aime tous. »

La concurrente suivante, Ramona Siebenhofer, a égalé son temps de 1 min 33,45. Deux coureuses plus tard, l’Italienne Nadia Delago a pris la tête, repoussant la Canadienne et l’Autrichienne en bas de la boîte.

Sofia Goggia, grande favorite et tenante du titre, en a remis une couche, signant la meilleure descente par 41 centièmes. Immense cri de joie de l’Italienne de retour d’une sérieuse blessure à un genou subie le 23 janvier.

L’affaire semblait presque entendue : Goggia réaliserait l’exploit en remportant une deuxième olympique consécutive, ce qui ne s’était fait qu’une fois par l’Allemande Katia Seinzinger, en 1994 et 1998.

C’était sans compter sur Corinne Suter, qui a livré une prestation parfaite sur ses longues planches pour devancer Goggia de 16 centièmes. Pleurs au menu pour la Suissesse, qui s’est essuyé les yeux dans son dossard. Goggia a conservé l’argent et Delago le bronze.

Huitième à 1 sec 58, Gagnon était tout sourire dans la zone mixte après la fin de l’épreuve. « J’ai fait une performance solide, ce n’était pas assez pour une médaille aujourd’hui, a-t-elle mentionné. Mais je suis quand même contente. Un top-10 en descente, c’est toujours un bon résultat. Évidemment, on voulait plus ! »

L’athlète de Lac-Etchemin avait fini 14e du super-G, à 1,01 sec de la gagnante, la Suissesse Lara Gut-Behrami, invisible mardi avec une 16e position.

« Aujourd’hui, on avait un peu plus de facteurs en jeu, a souligné Gagnon. J’ai senti le vent au départ. Les autres filles sûrement aussi. On avait des nuages. Certaines ont eu le soleil toute leur descente, d’autres n’en avaient pas. C’est pour ça qu’il y a de plus de grands écarts de temps, selon moi. »

Ses erreurs ? Gagnon a refait la descente dans sa tête et avec ses mains. Rien de majeur, quelques maladresses ici et là, comme le dans grand virage avant le premier mur dit « Whiteface », où la majorité des skieuses ont été surprises par la vitesse supérieure à la veille.

« Ensuite, j’étais quand même « ouverte » dans la traverse bosselée, a-t-elle analysé. Je voulais être un peu plus fermée et attaquer davantage. Le dernier bol avant d’arriver dans le canyon, je n’avais pas de lumière. J’ai ouvert plus que je le voulais. Je voulais rester plus en position de descente et amener la vitesse. J’ai été un peu passive. »

À ses troisièmes JO, cette huitième place lui permet de surpasser son sommet personnel. Après une blessure à l’épaule au combiné, elle avait terminé neuvième du slalom aux JO de Sotchi en 2014.

« On peut le voir comme ça. Évidemment, ce ne sont que les médailles qui comptent aux Olympiques. Mais je me sens simplement chanceuse de faire partie des filles qu’on suit parce que j’ai le potentiel de me retrouver parmi les médaillées. C’est cool de faire partie de ça, de savoir que je suis capable. »

Près de l’arche d’arrivée, elle a eu droit à son « moment de l’athlète ». Elle a pu échanger virtuellement avec son chum, le skieur américain Travis Ganong, et sa belle-famille, qui la suivait en direct de Lake Tahoe, en Californie.

« Ils étaient une dizaine à regarder la course, avec les petits enfants de sa sœur. Il était quand même tard là-bas, mais ils étaient tous réveillés et bien excités. »

Gagnon a salué le courage de Goggia, qui avait failli s’estropier sur une chute en super-G à Cortina trois semaines plus tôt. La Bergamasque de 29 ans a remporté quatre des cinq descentes auxquelles elle a pris part cet hiver en Coupe du monde.

« Même si Sofia n’a pas gagné, elle a fait une très belle performance. Elle devrait être fière d’elle-même. Elle est toute brisée de partout, son corps n’est pas à 100 %. Corinne Suter est très, très bonne. Les deux filles ont fait une belle bataille. Évidemment, ç’aurait été le fun de faire partie de ça, mais je suis contente pour elles. »

Après ses deux sorties de parcours en slalom et en géant, Mikaela Shiffrin n’a pu sauver les meubles en descente. L’Américaine s’est contentée du 18e échelon. Esther Ledecka, médaillée d’or en slalom géant parallèle en surf des neiges, a commis une grosse faute à mi-pente, se retrouvant à l’envers sur la piste. Pas de doublé pour la Tchèque (27e), qui avait réalisé l’exploit à PyeongChang.

La descente a été presque sans histoire, à part la chute sévère de la Française Camille Cerutti, apparemment touchée à un genou.

Après y avoir songé un temps, Gagnon ne disputera pas le combiné alpin à Pékin. Elle préfère se reposer pour la reprise de la Coupe du monde la semaine prochaine. Elle rentre chez elle dès mercredi, sans médaille, mais avec un grand sourire.

Elle souhaite skier « au moins » jusqu’à l’an prochain et les Mondiaux de Méribel. « J’y vais au jour le jour, une année à la fois, pour l’instant c’est ça mon plan. »