Un changement de direction au sein d'une organisation sportive est parfois synonyme de recul dans le cheminement d'un premier choix récent d'une équipe. Éric Chouinard le sait et il est bien placé pour comprendre la nouvelle réalité de Louis Leblanc.

Chouinard avait été, avant Leblanc en 2009, le dernier premier choix francophone du Canadien, en 1998. Repêché sous le règne de Réjean Houle (16e au total), il n'est jamais parvenu à faire sa place au sein du grand club après l'arrivée d'une nouvelle direction en 2000, et on conserve le souvenir d'un attaquant qui a été un «flop».

Il est à souhaiter pour les partisans du Tricolore que Leblanc ne soit pas un second Chouinard.

L'attaquant natif de Pointe-Claire bénéficiait du préjugé favorable de l'ancien directeur général Pierre Gauthier, celui qui a misé sur lui. Après avoir connu des débuts intéressants dans la LNH, la saison dernière, il constate qu'il ne jouit plus d'un statut particulier auprès du nouveau D.G. Marc Bergevin et de son groupe.

Il est vrai qu'une blessure à une cheville a affecté sa progression, en début de saison, mais la décision de la nouvelle organisation de ne pas l'inviter au camp d'entraînement de l'équipe dernièrement a été un message on ne peut plus limpide. Des rumeurs selon lesquelles on lui faisait la vie dure chez les Bulldogs de Hamilton ont trouvé écho jusqu'à Montréal.

Une situation qui n'est pas sans évoquer de pénibles souvenirs à Chouinard, même après toutes ces années.

«Avant toute chose, je tiens à être très clair: je ne suis pas du genre à trouver des excuses, ce n'est pas mon style, ni dans ma personnalité», a-t-il commencé par dire en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, jeudi, d'Allemagne, où il poursuit sa carrière à Nuremberg.

«Mais il faut se rendre à l'évidence qu'un directeur général va toujours donner une meilleure chance à un de ses premiers choix, a-t-il poursuivi. Il va lui fournir l'occasion de bien paraître pour bien paraître lui aussi. Je n'invente rien, c'est comme ça depuis toujours et ça ne changera pas.»

Comme il va de soi également qu'à l'arrivée d'un nouveau D.G. en poste, il se peut qu'il fasse une évaluation très différente d'un premier choix qui n'a pas été son choix.

Situation flagrante

Chouinard, âgé de 32 ans, se rappelle que dans son cas «c'était flagrant» qu'il ne faisait plus partie des plans d'avenir du Canadien, à l'arrivée d'André Savard et de Michel Therrien comme directeur général et entraîneur, respectivement, en novembre 2000. Il a su que c'était le chant du cygne pour lui quand on l'a envoyé en Utah, dans la Ligue américaine, plutôt que chez les «naissants» Bulldogs de Hamilton, au début de la saison 2002-03.

«J'ai connu mes meilleurs moments dans la Ligue américaine en Utah, avec l'entraîneur Don Hay qui m'a pris sous son aile, a-t-il relaté. Il me disait qu'il ferait de moi un joueur de la Ligue nationale. Il a réussi parce que j'ai été échangé aux Flyers de Philadelphie en cours de route, et j'ai fini la saison avec eux.

«Mais je trouvais la situation frustrante parce que je ne pouvais pas m'épanouir avec l'organisation qui m'avait repêché, a repris celui qui a 22 points et 90 matchs au compteur dans la LNH. J'étais très fier d'avoir été repêché par le Canadien.»

Avec le recul, il a réalisé que plusieurs facteurs ont joué en sa défaveur, comme le fait que Simon Gagné, qui avait été repêché après lui, ait gradué avec les Flyers à l'âge de 19 ans.

«Mais c'est sûr qu'un changement de direction, ça change la donne, a-t-il soulevé. Louis est en plein dedans. Ce n'est pas évident pour un Québécois à Montréal en plus, je le sais.»

Rester concentré

Le meilleur conseil que Chouinard - vétéran de sept saisons en Ligue élite allemande et meilleur marqueur des Tigres de Nuremberg - puisse lui donner, c'est de ne pas céder à la frustration ou au découragement.

«S'il a été repêché à un rang aussi élevé (18e au total), c'est parce qu'il possède les aptitudes pour connaître du succès. Il ne doit pas perdre confiance, se concentrer sur ce qu'il doit faire sur la glace et garder les choses simples. Un jour, j'espère que tout va rentrer dans l'ordre pour lui.»

Le plus difficile pour un Québécois, contrairement à d'autres premiers choix récents comme les défenseurs Jarred Tinordi et Nathan Beaulieu, c'est de ne pas prêter l'oreille à tout ce qui se dit à son endroit.

«C'est plus facile à dire qu'à faire. Je n'ai moi-même pas eu de succès à l'époque, a avoué le coéquipier des Steven Reinprecht et Yan Stastny à Nuremberg. Vous avez beau ne pas lire les journaux, écouter la radio ou regarder la télévision, il y a toujours un beau-frère, un oncle ou un ami pour vous rapporter ce qu'on dit. Il ne faut pas que ça vous affecte parce que la situation peut devenir très frustrante.»