Jacques Martin rencontre les journalistes les veilles et les jours de match seulement. Pas de commentaire du coach donc sur le châtiment qu'il a réservé à ses joueurs, hier.

Et c'est tant mieux!

Parce qu'en laissant parler son sifflet, Martin en a dit beaucoup plus qu'il ne l'aurait fait devant les caméras.

Jacques Martin a fait bien plus que simplement punir ses joueurs, hier, en les faisant patiner jusqu'à ce qu'ils soient à bout de souffle, épuisés au point d'être étourdis, minés par les crampes et les maux de coeur.

Bon! Il s'est fait un peu plaisir au lendemain de la performance lamentable de ses joueurs contre les Canucks, mercredi.

Un gars a bien le droit de se venger...

Mais il y avait bien plus derrière cette séance de travaux forcés.

Il y avait l'avertissement clair, net et précis que la complaisance, qui a mené à l'effondrement de l'équipe, au congédiement de Guy Carbonneau et à l'élimination éclair en première ronde des séries, l'an dernier, ne sera pas tolérée cette année.

Remontez dans vos souvenirs.

Statistiquement, le Canadien a connu une très bonne première moitié de saison, l'an dernier.

Après 41 rencontres, il affichait 25 victoires, 10 revers seulement et il avait arraché des points six fois en prolongation ou en fusillade.

On rêvait à la Coupe Stanley du Centenaire.

Mais dans les faits, le Canadien ne jouait pas aussi bien que cette fiche l'indiquait.

Guy Carbonneau y est allé de quelques avertissements ici et là. Mais quand on pressait Carbo ou ses joueurs de questions sur la valeur réelle de ces victoires, la réponse qui revenait le plus souvent était qu'une victoire demeure une victoire.

Et c'est vrai.

Sauf qu'en se vautrant dans la complaisance et la facilité, les joueurs du Tricolore se sont crus meilleurs qu'ils ne l'étaient vraiment.

Et quand, soudainement, les matchs se sont mis à être plus difficiles à gagner, quand les autres équipes ont décidé que le temps était venu de foncer, le Canadien a figé.

Avec les conséquences que l'on connaît.

Les mauvaises habitudes

Après deux victoires loin d'être convaincantes à Toronto et Buffalo et une défaite «honorable» à Calgary, le Canadien s'est écrasé à Vancouver.

Martin aurait pu épargner ses joueurs en disant que l'équipe affichait malgré tout un dossier de ,500 en dépit du fait qu'elle était à l'étranger depuis près de deux semaines.

Il aurait pu inventer mille et une raisons, invoquer mille et une excuses.

Il ne l'a pas fait.

Il ne l'a pas fait parce qu'il sait à quel point il est difficile de se débarrasser des mauvaises habitudes une fois qu'elles sont installées.

Et elles s'installent vite.

Elles se pointaient d'ailleurs dans le vestiaire de son équipe.

Vous n'avez pas remarqué?

Contre les Maple Leafs, le Canadien s'est fait dominer au chapitre des tirs et surtout du temps de possession de la rondelle. Les Leafs n'ont pas obtenu 46 tirs, raté le filet 21 fois et bloqué 25 tirs devant leur gardien sans avoir la rondelle.

C'est impossible.

Pour avoir la rondelle autant, les Leafs ont surclassé le Canadien au chapitre du travail. Et n'eût été de l'agressivité bien mal dosée de Mike Komisarek, les Leafs auraient sans doute gagné.

À Buffalo, le Canadien s'est contenté de cinq tirs en première et d'un seul en troisième. Des chiffres qui révèlent encore un manque d'effort, d'intensité, de conviction.

Le match contre les Flames a été meilleur. On l'a senti dans le vestiaire avec les propos très positifs des joueurs.

Des propos qui passaient toutefois sous silence un passage à vide en deuxième période qui a coûté le match.

Et il y a eu la catastrophe de Vancouver.

Jacques Martin a parlé beaucoup à ses joueurs depuis le début du camp. Il les a aussi enguirlandés sur la patinoire lorsqu'ils bousillaient des minutes d'entraînement. Des minutes qui valent de l'or à ses yeux.

Hier, Jacques Martin n'a pas parlé... ou si peu.

Mais il a sifflé. Souvent. Très souvent.

On verra demain s'il a été écouté, si les joueurs se seront débarrassés de la complaisance qui semblait déjà s'installer.