Lunettes de ski sur la tête. Bouteille de champagne à la main. Manteaux sur le corps… ou pas. Mais surtout, la coupe Grey, à bout de bras.

C’est ainsi que les Alouettes de Montréal sont apparus devant les médias, lundi matin, en sortant de leur avion nolisé sur le tarmac de l’aéroport de Mirabel. Les champions 2023 de la Ligue canadienne de football ne semblaient pas avoir beaucoup de sommeil dans le corps au lendemain de leur victoire de 28-24 contre les Blue Bombers de Winnipeg.

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« [On a dormi] un petit peu dans l’avion, a expliqué Byron Archambault, coordonnateur des unités spéciales chez les Alouettes. On a pris un peu de repos bien mérité. On se sent bien, les émotions ont été un peu intenses après la partie. Mais là, on réalise ce qu’on a fait. C’est l’fun de vivre ça ensemble. »

Marc-Antoine Dequoy dit être « sur un nuage », présentement.

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Marc-Antoine Dequoy

« J’aimerais que n’importe qui puisse lire [mon émotion], souligne-t-il, la voix éreintée et les yeux cachés sous ses lunettes de soleil. C’est comme si ma bonbonne de bonheur était remplie. J’ai du bonheur en excès, et je veux le donner à tout le monde. »

Dequoy persiste et signe

L’« émotion » du demi défensif, on a pu la lire assez clairement, dimanche soir. Son entrevue d’après-match avec Matthieu Proulx, sur les ondes de RDS, est devenue un classique instantané.

« Ils n’ont jamais cru en nous ! s’est-il époumoné sur le terrain. Tu regardes partout, c’est écrit en anglais ! Tu mettais le guide de TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg ! Tu viens ici pis ça parle juste en anglais ! […] Bien tu sais quoi, man, gardez-le, votre anglais ! Parce qu’on va prendre cette coupe-là, et on va la ramener à Montréal ! On va la ramener au Québec, puis on va la ramener chez nous ! »

D’un ton calme et posé, Dequoy a pris le temps de s’exprimer plus doucement, lundi. Sans toutefois revenir sur ses propos.

« Il faut comprendre d’où je viens, dit-il. Je suis quelqu’un qui a regardé les Alouettes en grandissant. C’est un rêve d’enfance. Après cette victoire-là, l’émotion qui s’empare de toi est tellement énorme. Mais la réalité, c’est que la LCF, c’est une ligue bilingue. Le Canada est un pays bilingue. Je trouve qu’il y a eu un peu de manque de respect envers la langue française au cours de la semaine. »

À Toronto la semaine dernière, en finale de l’Est, « l’hymne national était seulement en anglais », ajoute Dequoy.

« Ce n’est rien contre la communauté anglophone. À l’inverse, je parle en anglais tous les jours de ma vie, le football, c’est anglophone. Je me fais corriger parce que je dis beaucoup d’anglicismes. N’importe qui qui me connaît sait très bien qu’il n’y a aucune malice, rien de mauvais, c’est vraiment l’émotion qui s’est emparée de moi. »

Son directeur général Danny Maciocia a eu le sourire au visage lorsqu’il a été interrogé au sujet de la tirade de son joueur.

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Danny Maciocia

« Nous sommes les négligés depuis le tout début de l’année, rappelle-t-il, les cordes vocales éraillées lui aussi. Il faut comprendre que Marc-Antoine a 29 ans, et moi, j’en ai 56. Alors notre approche est un peu différente. Si c’est de ça que tu as besoin pour te motiver, […] tu le fais.

« Moi, la chose dont je suis le plus fier, c’est qu’on ramène la Coupe à Montréal. On a habillé 45 joueurs, dont 21 Canadiens ; 10 des 21 Canadiens sont des Québécois. On regarde le personnel d’entraîneurs, on a quelques Québécois. Dans la direction, on a plusieurs Québécois. Ça démontre que le football est non seulement en santé chez nous, mais qu’on a du monde capable de gérer une organisation dans les opérations football. »

« Un match d’une exceptionnelle beauté »

À la mi-temps, après les deux tentatives de faufilade du quart ratées et tirant de l’arrière par 10 points, les Alouettes devaient remonter la pente, autant moralement qu’au tableau indicateur.

Que s’est-il dit dans le vestiaire pendant que Green Day chantait Boulevard of Broken Dreams à Hamilton ?

Rapidement, après une ou deux minutes de conclave avec son personnel, l’entraîneur-chef Jason Maas « avait déjà les trois premiers jeux qu’il voulait appeler en deuxième demie », a révélé l’entraîneur de la ligne offensive, Luc Brodeur-Jourdain, lundi matin.

Maas a ensuite dit à ses joueurs « d’effacer ce qui s’est passé lors des dernières séquences à l’attaque » et de « commencer la deuxième demie en pensant que chacun des jeux peut être ton dernier », explique Brodeur-Jourdain.

« Ça nous a donné un match d’une exceptionnelle beauté, dit-il. Il faut être fier, en tant que ligue, de ce genre de rencontre. »

Maas a estimé avoir « rendu Montréal et le Québec fiers ».

« On s’est dit à quel point c’était important de les représenter au meilleur de nos capacités. On a travaillé tous les jours avec cet objectif en tête. »

Aucun des intervenants de ce championnat interrogés lundi matin n’avait encore pris la mesure de l’exploit réalisé la veille.

« J’ai six mois devant moi pour l’apprécier », a souligné le quart-arrière Cody Fajardo, gagnant du titre de joueur le plus utile de la Coupe Grey.

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Cody Fajardo avec la coupe Grey

Quant à lui, Danny Maciocia a hâte de « réfléchir un peu là-dessus et d’échanger avec des partisans, des amis » d’ici au défilé de mercredi. C’est à ce moment qu’il va comprendre l’ampleur de « l’exploit [que son équipe] vient de réaliser ».

« C’est toute une histoire qu’on a écrite, souligne-t-il. Il restait un autre chapitre à écrire, et on a fait une bonne job en l’écrivant comme il le faut avec le match d’hier soir. »

Lisez la chronique d’Alexandre Pratt : « Une victoire d’anthologie »