Jacques Villeneuve s'envole ce matin pour la Floride la tête pleine d'incertitude. À 11 jours du Daytona 500, l'ancien champion du monde de F1 n'est pas encore absolument certain de prendre le départ de ce qui doit être le coup d'envoi de sa première saison complète en NASCAR.

En course automobile, peut-être plus que dans n'importe quel autre sport, l'argent est le nerf de la guerre. Or, qui dit argent, dit commanditaires. Et ceux du pilote québécois ne se sont pas encore matérialisés - une situation qui pourrait hypothéquer sa saison et, dans le pire des scénarios, menacer sa participation à la classique floridienne.

 

Villeneuve dit être tout près d'un accord avec de grandes entreprises montréalaises qui possèdent des intérêts à l'extérieur du Québec et du Canada. «C'est au stade où ils ont la feuille de papier et le crayon dans la main et ils se demandent: Je signe ou pas?» dit-il.

 

«Tous les commentaires qu'on reçoit sont très positifs, on nous dit qu'on veut signer. Mais est-ce que ce sera demain, la semaine prochaine, dans deux semaines? Peut-être que dans deux semaines, ce sera trop tard. C'est purement une question de timing, c'est tout. On est en février et ce sont des choses qu'on aurait dû régler en décembre», dit Villeneuve, qui refuse néanmoins de blâmer son ex-manager, Craig Pollock, dont il s'est séparé il y a une dizaine de jours.

 

Peu importe à qui incombe la responsabilité, le fait est que le temps presse. L'équipe de Villeneuve, Bill Davis Racing, compte sur le financement qu'il doit apporter. Pour l'instant, elle assume les coûts, mais elle ne le fera pas indéfiniment. Comme le dit Villeneuve, «quand il n'y a plus d'eau au puits, tu ne peux plus boire».

 

Lors des récents essais préparatoires, son chef d'équipe, Richard «Slugger» Labbe, devait se taper le travail de quatre mécanos, car l'écurie ne pouvait se payer tout le personnel requis. «L'équipe a besoin d'argent, mais en même temps, elle veut que je pilote la voiture. C'est un peu un cercle vicieux. On essaie de trouver une solution pour que ça avance. Ils veulent nous aider à trouver des commanditaires, mais je ne peux pas inventer de l'argent non plus. Ce sont des sommes considérables», dit Villeneuve, qui a participé à deux courses en Nextel et sept dans la série des camionnettes Craftsman, la saison dernière.

 

«L'an passé, ça m'a coûté cher parce qu'il fallait se lancer. Ça nous a permis de mettre UNICEF sur la voiture. Mais c'est quand même de l'argent qui sortait de mes poches. Tu ne peux pas continuer comme ça quand tu as une famille et des enfants.»

 

Villeneuve, qui a appelé en renfort son ancien patron de l'époque CART, Barry Green, se dit néanmoins confiant de voir les choses prendre une tournure positive. Sur le plan sportif, les résultats des essais préparatoires à Daytona, le mois dernier, l'ont beaucoup encouragé. «Mon coéquipier et moi étions dans le top 3 chaque jour en version de qualification et on a des nouveautés sur la voiture qui nous donnent confiance d'obtenir la position de tête, ce qui nous assurerait de faire la course. Alors, ce serait vraiment dommage que ça ne fonctionne pas.»

 

Dommage, en effet. Patrick Carpentier est déjà assuré d'un volant pour toute la saison chez Gillett-Evernham. La présence de Villeneuve dans le peloton décuplerait l'intérêt déjà grandissant des médias québécois et canadiens pour le NASCAR. L'appât d'une rivalité entre les deux pilotes est tout simplement trop tentant. En plus, Villeneuve est plus enthousiaste et motivé qu'il ne l'a été depuis longtemps. Ça se sent. Me semble qu'un pilote de son calibre, qui est maintenant bien établi à Montréal, a de quoi intéresser une entreprise d'ici qui se cherche une tribune. Suffirait de mettre un peu d'eau dans le puits...