Le Grand Prix d'Espagne de Formule 1, dimanche en Catalogne, a servi de bande-annonce au grand duel qui va bientôt commencer sur tous les circuits du monde, entre Mercedes-AMG, fer de lance de la marque à l'étoile, et Red Bull Racing, porte-drapeau du géant de la boisson énergétique.

Alors que se profile dans une dizaine de jours un GP de Monaco plus «glamour» que jamais, avec son cortège de VIPs et de donzelles en talons aiguille, en plein Festival de Cannes, le choc de titans qui est en train de se préparer au sommet de la F1 a tout pour séduire les amateurs de cinéma, de boxe, et même de sport auto.

D'un côté, Red Bull et son fondateur autrichien Dietrich Mateschitz, grand amateur de sports extrêmes, de sauts dans l'espace et records en tous genres, qui domine la F1 depuis quatre saisons, en raflant tout ce qui passe: titres mondiaux (8), victoires, positions de tête et retombées dans les médias, grâce notamment à Sebastian Vettel et aux moteurs Renault.

Face à l'écurie austro-anglaise, basée à Milton Keynes, un autre poids lourd à forte dominante anglo-saxonne, basé à Brackley (châssis) et Brickworth (moteurs), monte en puissance: Mercedes-AMG (ex-Brawn GP et Honda F1) vient d'enchaîner cinq victoires (et quatre doublés) en cinq manches. «C'est bien que notre équipe commence à toucher les fruits de son travail ces dernières années», a dit Nico Rosberg dimanche, et il a annoncé la suite.

«Nous sommes en train de construire la meilleure équipe de F1 et nous voulons continuer à creuser l'écart sur les autres», a dit le gentil Nico. «Je n'ai jamais eu une voiture aussi bonne» et «je n'aurais jamais pensé finir avec 50 secondes d'avance sur les Red Bull», avait dit Hamilton quelques minutes plus tôt, sur le podium, dans l'euphorie de sa 26e victoire en F1.

Vettel: «On va leur en donner pour leur argent»

C'est en creusant un écart «kolossal», à raison d'une seconde au tour en moyenne, que Mercedes a encore frappé un grand coup à Barcelone, là où les progrès du moteur Renault et l'aérodynamique très aboutie des Red Bull, grâce au coup de crayon d'Adrian Newey, auraient dû permettre aux hommes de Christian Horner de limiter les dégâts.

Cela n'a pas été le cas, mais ce n'est que partie remise, car le compte en banque de Mateschitz est bien rempli et la limitation des budgets en F1 n'est plus du tout à l'ordre du jour. Et comme Mercedes-AMG, dirigée par deux Autrichiens, Niki Lauda et Toto Wolff, a vraiment les moyens financiers et humains de ses ambitions, ça peut devenir très intéressant.

«Mercedes est très fort, ils ont un moteur phénoménal, deux très bons pilotes et une très bonne voiture. Ils ont mieux travaillé que nous cet hiver et ils méritent d'être à ce niveau. On va essayer de les rattraper et de leur en donner pour leur argent, le plus tôt possible», a résumé Vettel, dopé par une remontée extraordinaire de la 15e à la 4e place.

La Formule 1 est en train de changer, à tous les niveaux, et le quadruple champion du monde allemand s'en est rendu compte dès vendredi: quand il a quitté sa Red Bull en panne sur le circuit de Catalogne, il a été applaudi et même encouragé par les fans, tous des grands amateurs de sport. Car il est aujourd'hui la seule alternative crédible à la domination des Flèches d'Argent.

«C'est comme en Liga, il y a le Real Madrid et le FC Barcelone qui jouent le titre, et nous on joue des matches», a dit un Fernando Alonso désabusé dimanche dans le paddock de Montmelo, après sa 6e place à une minute et demie d'Hamilton. La dernière chance de Ferrari, et même son rêve de moins en moins secret, c'est recruter Adrian Newey. Très flatté par l'intérêt de la Scuderia, il n'a pas encore dit non.

Baromètre des équipes: Mercedes-AMG seule au monde

La 5e manche de la saison 2014 de F1, dimanche en Catalogne, a confirmé la tendance: l'écurie Mercedes-AMG (5e victoire, 4e doublé consécutif) est seule au monde, même si la résistance de Red Bull Racing, championne du monde en titre, est en train de s'organiser.

En hausse

Mercedes: Hamilton 1er, Rosberg 2e

Rien à signaler du côté des Flèches d'Argent, dominatrices aux essais, sinon que Hamilton a connu des petits problèmes d'équilibre et de comportement, sur sa monoplace, qui l'ont un peu déconcentré en course, et que Rosberg, après avoir «raté» ses qualifications et surtout son départ, a réussi à menacer Hamilton en fin de course, grâce à une stratégie différente qui a failli réussir.

Red Bull: Ricciardo 3e, Vettel 4e

Très belle course des deux pilotes de l'écurie de référence... jusqu'à fin 2013: l'Australien monte sur son «premier» podium en F1 (ndlr: disqualifié à Melbourne) au terme d'une course en solitaire, loin derrière les Mercedes, alors que l'Allemand, parti 15e sur la grille, a fait le spectacle et dépassé à tour de bras, à une allure qui n'était pas celle d'un jeune père de famille.

Williams: Bottas 5e, Massa 13e

Superbe 4e place sur la grille du Finlandais, sur un circuit qui convenait à sa monoplace, et encore un très bon départ qui lui a permis de passer devant Ricciardo. Très bonne gestion ensuite pour obtenir le meilleur résultat possible et prendre 10 points précieux, surtout à ce stade de la saison. Massa, parti plus loin sur la grille, est resté coincé dans le peloton.

Lotus: Grosjean 8e, Maldonado 15e

Jolie 5e place sur la grille pour Romain, malgré un vendredi inquiétant, et enfin quelques points pour le Franco-Suisse, malgré des problèmes au niveau de son moteur Renault qui l'ont empêché de se battre jusqu'au bout avec les Ferrari. Quant au bon Pastor, aussi gentil dans le paddock qu'agressif sur la piste, il a touché Ericsson et perdu encore un point sur son permis de piloter.

Stables

Force India: Pérez 9e, Hülkenberg 10e

Moins bien que d'habitude, en performance pure, mais les solides monoplaces indiennes sont encore dans les points toutes les deux. Après coup, Pérez pensait qu'une stratégie plus agressive aurait pu marcher, en s'arrêtant plus tard. Grâce aussi au moteur Mercedes, très utile sur ce type de circuit, les hommes de Vijay Mallya restent 4es du championnat des constructeurs.

McLaren: Button 11e, Magnussen 12e

Résultat similaire à celui de Chine, à une place près, et l'écurie de Woking est encore à la porte des points à cause de monoplaces manquant toujours d'adhérence, sur une piste très abrasive. La stratégie de Jenson aurait pu marcher s'il n'avait pas perdu un peu de temps dans son stand, à cause du trafic. Kevin a un peu touché Vettel au 1er tour, mais sans dégât, puis l'Allemand a entamé sa remontée.

Toro Rosso: Kvyat 14e, abandon de Vergne

L'écurie de Faenza a eu du mal, car ses voitures n'étaient pas assez rapides et dégradaient trop leurs pneus, comme beaucoup de leurs rivales. Contrairement à son habitude, le débutant Kvyat, qui s'est un peu rapproché des Force India en début de course, n'est pas rentré dans les points. Quant à son compère Vergne, toujours aussi poissard, un problème d'échappement l'a obligé à abandonner.

Marussia: Bianchi 18e, Chilton 19e

Deuxième course complète d'affilée pour Bianchi cette saison, et résultat une nouvelle fois doublement favorable car lui et son compère Chilton, encore une fois dans les points (24 GP terminés sur 24 débutés !), finissent encore devant les malheureuses Caterham. Dans l'euphorie générale, le jeune Français a même annoncé le nouvel objectif de l'écurie russe: aller chercher les Sauber...

En baisse

Ferrari: Alonso 6e, Räikkönen 7e

L'Espagnol savait qu'il ne brillerait pas devant son public, mais ne pensait pas finir aussi loin des Mercedes: près d'une minute et demie. Le Finlandais, avec une stratégie différente (deux arrêts au lieu de trois), a fini encore plus loin, à un tour du vainqueur. Quant à Luca di Montezemolo, il a voulu montrer qu'il était encore le chef charismatique... d'une Scuderia de plus en plus larguée.

Sauber: Gutiérrez 16e, Sutil 17e

Malgré une cure de minceur, les monoplaces suisses ont continué à toucher le fond, sans que la perspective d'une remontée se précise. Elles sont désormais dans la ligne de mire des fines gâchettes de Marussia, ce qui n'est pas bon signe. Le seul sourire du week-end, c'est celui de la Suissesse Simona de Silvestro, 25 ans, promue pilote d'essai après quatre saisons en Indycar.

Caterham: Ericsson 20e, abandon de Kobayashi

C'est peut-être le début de la fin pour l'écurie de Tony Fernandes: Ericsson s'est fait «shooter» par l'incorrigible Maldonado et «Koba» a perdu ses freins en bout de ligne droite. Le directeur technique, Mark Smith, vient de partir, ne sera pas remplacé, et un acheteur potentiel, le riche Américain Gene Haas, roi de la machine-outil, est annoncé cette semaine à l'usine ultra-moderne de Leafield...