À l'aube de la saison, les observateurs assidus du grand cirque ne savaient pas trop quoi penser de Lotus. L'écurie alignait sur la grille de départ l'un des duos de pilotes les plus inusités du peloton: un ancien champion du monde tout juste sorti de sa retraite et un Français inexpérimenté qui n'avait franchement pas impressionné à son premier passage en F1.

On les observait comme on contemple un tableau trop abstrait. En se grattant la tête.

Puis les essais d'hiver ont permis d'éclaircir au moins une chose: leur Lotus E20 est rapide. Le directeur de l'équipe pouvait espérer une saison faste, avec à la clé, une place parmi les quatre premiers. «Nos objectifs? Il y a deux choses que j'aimerais bien: c'est de finir à une meilleure position que l'année dernière, c'est-à-dire quatrième, et surtout, faire une progression pendant toute l'année», a expliqué plus tôt cette saison Éric Boullier dans un entretien avec La Presse.

Monter d'une place au classement n'est pas évident en Formule 1. Comme aiment à le répéter ses artisans, «la F1 est un sport relatif», c'est-à-dire que lorsqu'une écurie progresse, les autres en font habituellement tout autant.

Mais Lotus est très bien placée pour réussir son pari. Après six courses cette année, elle occupe le quatrième rang au championnat des constructeurs. Elle est à un point de voler le troisième échelon à la toute-puissante Ferrari.

La monoplace est rapide, comme on le constate course après course. Mais les drôles de pilotes ont aussi répondu présent. Après un début de saison sans étincelles, Kimi Raikkonen et Romain Grosjean ont livré fin avril une superbe course dans le désert de Bahreïn pour finir respectivement deuxième et troisième.

C'était un premier podium en F1 pour le Français et le 64e du Finlandais. Et c'était un coup de semonce pour le peloton: l'écurie rappelait qu'elle était en piste pour prendre des points. Puis, les Lotus ont remis ça à Barcelone, prenant les troisième et quatrième places. Après la course, Romain Grosjean n'avait jamais vu autant de journalistes autour de lui.

«Il ne faut pas oublier que Kimi a bouclé quelque chose comme 160 Grands Prix, alors que Romain en a couru moins de 15, rappelle Éric Boullier. Kimi, avec son expérience, son caractère et sa personnalité, a tendance à faire montre de leadership.»

Un pilote d'expérience et une quasi-recrue, était-ce le calcul de Lotus? «Complètement, répond le directeur d'équipe. Romain va pouvoir s'appuyer sur son expérience. On sait que Kimi, comme une machine, va offrir un rendement régulier. Puis, on a ce jeune talent qu'on espère voir prendre le relais.»

Une nouvelle écurie qui aime Montréal

L'écurie voit loin et doit porter un nom qui pèse lourd en F1. Car Lotus - officiellement Lotus F1 Team - est à ne pas confondre avec...Team Lotus. Cette légendaire écurie née en 1958 et disparue en 1994 a remporté sept championnats dans les années 60 et 70.

Le nom de Lotus est finalement réapparu sur les circuits en 2010, accolé à l'écurie devenue aujourd'hui Caterham. Parallèlement, l'écurie Renault, progressivement délaissée par le constructeur français, a pris le nom de Lotus Renault GP la saison dernière. Elle est finalement devenue simplement Lotus F1 et la présente saison est officiellement sa première.

Les enjeux sont élevés et l'écurie veut absolument bien faire sur le circuit Gilles-Villeneuve. «C'est un moment critique, parce qu'on est dans la phase finale du dernier développement de la voiture, note Éric Boullier. Donc, c'est vraiment important, à Montréal, d'avoir des résultats. C'est aussi la course préférée du paddock!»

Lotus ne s'avançait pas trop en début de saison. Mais ses résultats lui ont donné des ailes et on rêve maintenant d'une première victoire. «On va engranger les points et je sais que la victoire va suivre, note Boullier. On va gagner une course cette année.»

Et maintenant, ceux qui regardaient Lotus en se grattant la tête ne doutent plus une seconde. Raikkonen et Grosjean pourraient être la révélation de cette saison de Formule 1.