Une équipe de basket féminin privée d'Euroligue, des clubs de l'élite du football menacés de disparition, de grandes difficultés en vue pour le hockey: le sport de haut niveau en Russie, très dépendant de généreux sponsors, est frappé de plein fouet par la crise financière.

L'annonce mardi du CSKA Moscou est tombée comme un couperet dans les milieux du basket: l'équipe féminine s'est retirée de l'Euroligue, le club ayant été lâché par son principal parraineur contraint de vendre sa société en raison de la crise. Et les nouveaux propriétaires ne s'intéressent pas au basket.

Un scénario semblable, voire plus grave, pourrait bien se reproduire pour d'autres formations sportives russes, prédisent des dirigeants et des experts russes.

«Les clubs de football, de hockey, de basket et de volley vont subir très vite des pertes financières, et il est possible que quelques-uns cessent d'exister», a affirmé le directeur général du club de basket Dynamo Moscou au quotidien Novie Izvesti.

Son homologue du CSKA, Andreï Vatoutine, lui emboîte le pas: «Je crains que quelques clubs de la super Ligue À ne tiennent pas jusqu'à la fin de la saison», a-t-il dit au quotidien Izvestia.

Le sport était considéré jusqu'ici par les sociétés qui le parrainent comme «un actif non stratégique», a expliqué l'expert Anton Orekh à la radio indépendante Echo de Moscou. En clair, «on pouvait s'offrir le plaisir de dépenser pour un jouet qui coûte cher», dit-il.

Construction de stade reportée

Mais vu l'ampleur de la crise en Russie, les entreprises qui injectent des dizaines de millions de roubles dans le sport d'élite vont «renoncer aux actifs non stratégiques», explique à l'AFP le directeur de l'Institut économique RAN, Rouslan Grinberg.

Les premiers effets se font déjà sentir dans les milieux du ballon rond, tandis que le hockey, très populaire en Russie, sera peut-être «davantage concerné» car dépendant surtout des compagnies métallurgiques ou minières, en première ligne dans la crise, souligne l'économiste.

«Pour le moment, nous préparons une rencontre avec les actionnaires pour arrêter les chiffres du budget de cette saison», a indiqué à Izvestia le président du club de football Lokomotiv, après la décision de la société publique des chemins de fer russes de réduire son financement.

Autres conséquences: la construction du stade du Spartak Moscou est reportée sine die, les sponsors de clubs vont diminuer leur apport ou tout simplement se retirer, et les salaires des sportifs diminuer, affirme M. Grinberg.

Loin d'être le seul pays où le sport est touché par la crise financière, la Russie ressent plus durement ses conséquences car «les clubs de football ne possèdent pas des sources importantes de revenus de leurs homologues britanniques: les billets pour les matches sont beaucoup moins chers et les stades moins fréquentés», observe M. Grinberg.

«Mode de vie plus modeste»

De plus, les recettes publicitaires encaissées par «les 16 équipes de l'élite russe sont inférieures à celles perçues par un seul club du championnat britannique», le plus riche du monde, ajoute l'expert.

«La paralysie des crédits, la nervosité générale, tout pousse à opter pour un mode de vie plus modeste», observe-t-il.

Le tourbillon de la finance mondiale épargnera sans doute le Zenit Saint-Pétersbourg, vainqueur surprise de la Coupe de l'UEFA en 2008 et de la Supercoupe d'Europe, soutenu à coup de dizaines de millions par Gazprom, géant gazier dans un pays assis sur les premières réserves mondiales de gaz.

Reste à espérer que «la crise fera réfléchir sur la manière dont on dépense l'argent dans le football en Russie, qu'elle aidera à réajuster les salaires (très élevés dans les clubs russes, ndlr) et incitera à commencer à lutter contre les pots-de-vin», dit le directeur-adjoint de l'institut des recherches macro-économiques, Vladimir Kostakov.