L'haltérophile Francis Luna-Grenier nourrit le rêve de participer aux Jeux de Pékin depuis si longtemps qu'il a vécu un inquiétant passage à vide après avoir confirmé sa sélection au sein de l'équipe olympique canadienne à la mi-mai.

Ce n'est que tout récemment que le Montréalais de 21 ans est sorti de sa torpeur. Sa période de remise en question n'aura pas été inutile puisqu'elle l'a incité à se fixer une nouvelle mission: «mettre l'haltérophilie sur la mappe» au Québec.

«Le processus de qualification olympique, c'est un peu comme aller à la guerre, image Luna-Grenier. Pendant l'année et demie qu'il a duré, j'ai été blessé cinq fois et, à chaque fois, il faut guérir au plus vite pour être prêt pour la prochaine compétition. Une fois la guerre finie - sa sélection confirmée -, je suis tombé à plat.»

Pendant sa période de réflexion, il a pris du recul et il a revu sa vision des choses ainsi que ses objectifs à court terme.

«Au fil des mois, je voyais toujours mes progrès avec une longueur d'avance. Si j'étais rendu à l'étape 3, je songeais déjà à la suivante et ainsi de suite. Puis, j'ai obtenu mon billet pour Pékin et là, tout d'un coup, je ne voyais plus rien à l'horizon après les Jeux. Il m'a fallu revoir ma façon d'aborder les jeux.»

Il avoue que son perfectionnisme lui a également joué un vilain tour.

«J'ai réalisé que j'avais une obsession de la perfection, précise l'athlète qui disputera l'épreuve chez les 69 kg à Pékin. J'en arrivais à me concentrer uniquement sur les choses que je ne faisais pas bien. On finit par se blâmer pour tous les détails qui ne fonctionnent pas. Ce n'est pas bon pour l'esprit. Tu ne te reposes jamais.»

Il a également décidé de changer son approche sur le plateau. Habitué à se motiver en se montrant bruyant à chacune de ses tentatives, il veut désormais tempérer son enthousiasme.

«Je dois rester en contrôle de mes émotions et canaliser mon énergie pour lever les barres», analyse le Montréalais. A Pékin, il visera à améliorer ses meilleures performances personnelles - 135 kg à l'arraché, 166 kg à l'épaulé-jeté et total de 299 kg.

Entraînement en solitaire

Les ambitions de Luna-Grenier de se rendre aux Jeux olympiques ne datent pas d'hier.

«Lors des Jeux de Sydney en 2000, j'ai pris les résultats dans la catégorie de 56 kg et je les ai surlignés. Et je me suis dit, dans quatre ans c'est moi qui va être là. Il m'en aura finalement fallu huit.»

Habitué à s'entraîner en solitaire, il reconnaît que les haltérophiles canadiens n'ont pas la vie facile.

«Nous n'avons pas de système de centralisation, ni d'équipe nationale, ni d'entraîneur national. Ce n'est pas évident.»

Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner si le Canada ne parvient pas à s'illustrer sur la scène internationale. Mais Luna-Grenier ne désespère pas.

«Prenez ce que Alexandre Despatie a fait pour le plongeon. J'aimerai avoir la même influence et faire décoller l'haltérophilie ici.»

Pour y arriver, il a déjà son plan en tête: devenir champion du Commonwealth en 2010 et monter sur le podium à Londres en 2012.

Source d'inspiration

Si l'haltérophile québécois Jacques Demers, médaillé d'argent chez les 75 kg aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, sert de source d'inspiration à Luna-Grenier, c'est un professeur d'éducation physique à l'école secondaire qui l'a le plus influencé.

«Ancien athlète lui-même, il m'a remarqué à l'âge de15 ans. Il m'a appris à me structurer, à faire preuve de détermination, à ne jamais baisser les bras. Il m'a grandement aidé.»

Étudiant au Cegep Ahuntsic à Montréal en sciences politiques, Luna-Grenier s'adonne au tennis comme passe-temps.

«J'aime bien travailler le bois aussi.

Ça me détend. C'est mon père, qui faisait beaucoup de rénovation à la maison quand j'étais jeune, qui a développé chez moi mon goût pour le travail manuel. A l'époque, je me souviens que c'était plus une corvée mais ça me permettait de passer du temps avec mon père.

«Aujourd'hui, avec l'aide d'un ami qui est ébéniste, j'ai fabriqué plusieurs meubles chez moi.»