Les milléniaux ont-ils tourné le dos à la spiritualité et rayé la question d’un trait d’athéisme ? Ils semblent plutôt s’être approprié à leur façon les questions de croyance et n’hésitent pas à en débattre, comme nous l’apprennent le philosophe et enseignant Jérémie McEwen ainsi que Stéphanie Tremblay, professeure au département de sciences des religions de l’UQAM. Cinq mots pour comprendre.

Athéisme 

L’athéisme règne-t-il en maître chez les milléniaux ? Pas tellement, d’après des recherches qualitatives menées par la sociologue Stéphanie Tremblay. Elle invoque le concept d’ultramodernité ciselé par son homologue Jean-Paul Willaime, où la sécularisation, après s’être appliquée au religieux, s’est étendue aux autres institutions sociales. « On se retrouve plutôt avec une fluidité de navigation entre des positions de type religieux et de type non religieux, où l’on refuse une étiquette, on s’identifiera plus non religieux qu’athée, même s’il y en a toujours une portion marginale. » On invoque des valeurs spirituelles, axées sur la nature, voire néopaïennes (druidisme, féminin sacré, wicca, etc.) ; un éclectisme perçu depuis les années 1980 et 1990, et encore plus saillant chez les plus jeunes. « Les étudiants arrivent avec des arguments rationnels pour défendre leur foi ou l’athéisme, car les deux se côtoient dans les salles de classe », souligne pour sa part Jérémie McEwen.

Laïcité et réticences

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La vision de la laïcité diffère d’une génération à l’autre.

Au cours de recherches menées auprès de diverses générations (de 20 à 60 ans), Mme Tremblay relève un hiatus dans la vision de la laïcité. Les plus âgés montraient une approche « plus républicaine, plus restrictive, avec une liberté de pensée, mais où chacun doit vivre ça plus “à l’intérieur” », indique-t-elle. Chez les milléniaux et les plus jeunes, la liberté d’expression reste un pilier. « On considère que l’individu doit plus s’autodéterminer, mais les autres aussi doivent avoir ce droit. On ne voit pas le problème avec le religieux, vu comme celui d’une autre génération, un peu révolu. Par exemple, pour eux, un hijab peut avoir diverses significations, être un signe culturel, personnel ou religieux », illustre-t-elle.

Dieu

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La question de Dieu anime les milléniaux.

L’idée de Dieu a-t-elle été abandonnée en cours de chemin par les milléniaux ? Pas d’après ce qu’a pu constater Jérémie McEwen, qui précise toutefois intervenir dans un contexte géographique et social précis ; soit dans un cégep de Laval avec une forte représentation de nouveaux arrivants. Chaque année, il sonde ses élèves : croient-ils en l’existence de Dieu ? « La proportion qui revenait année après année, c’était 50 % », rapporte-t-il, ayant enseigné auprès de cohortes de milléniaux en début de carrière. « Il y a deux ou trois personnes qui hésitent, mais la plupart ont une réponse très claire et très nette sur la question. Ça les allume », ajoute-t-il, précisant que le thème mène systématiquement à des débats aussi foisonnants que vigoureux.

Catholique

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Le fond culturel catholique se retrouve chez toutes les générations. Mais milléniaux et plus jeunes ont plus de réticence à se présenter comme catholiques.

On retrouve la matrice et l’imaginaire culturel catholiques tant chez les plus âgés que chez les milléniaux, constate Stéphanie Tremblay, souvent agrémentés par un attachement à la nature ou des influences internationales. « Chez toutes les générations, le bouddhisme est par exemple souvent décrit comme “philosophie ou religion inspirante” », souligne-t-elle. Mais les visions divergent par rapport à l’autodénomination. « Les plus vieux vont se nommer catholiques, et même si tout le monde est de culture ou de tradition catholique, les plus jeunes sont très peu nombreux à se dire catholiques », rapporte la sociologue. Ils préféreront : non religieux, spirituel ou athée. « Ça recoupe les données de sondage récentes de Statistique Canada montrant que les “non-religion” sont en hausse fulgurante », complète celle qui dresse un parallèle avec la fin de la socialisation religieuse à l’école.

Astrologie

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Les milléniaux auraient l’oreille très tendue auprès des astrologues de ce monde.

Et les croyances en matière d’astrologie ? Sauf erreur, aucune étude générationnelle au Québec n’a été menée. En revanche, la question a été sondée ailleurs en Occident, notamment aux États-Unis et en France. Un sondage mené par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) en 2023 dans ces deux pays montre que 42 % des Américains croient en l’influence astrologique, de même que 32 % des Français. Les plus impliqués dans ces convictions ? Aux États-Unis, c’est la tranche d’âge 25-34 ans (les milléniaux, donc) qui mène le bal, avec 54 % de personnes issues de cette génération avouant croire au pouvoir des signes et des astres ; confirmant une tendance déjà observée en 2012 auprès des 18-24 ans (58 %). Cela dit, la génération Z s’avère presque aussi friande de signes astrologiques que ses aînés.