Vaccins, filets, moustiques génétiquement modifiés: le monde de la santé publique s'est mobilisé en force pour lutter contre le virus Zika, qui a depuis 2014 infecté un demi-million de personnes dans les Amériques et pourrait en frapper des millions d'autres. Même Microsoft s'est mise de la partie, a-t-on appris au dernier congrès annuel de l'Association américaine pour l'avancement des sciences, à Boston.

MICROSOFT À LA RESCOUSSE

Depuis l'été dernier, Microsoft teste dans le sud des États-Unis de grandes boîtes noires composées de 64 compartiments. Chacun est illuminé par une lumière infrarouge. Quand un insecte volant entre dans un compartiment, la porte se referme sur lui. « Nous pensons être capables de reconnaître la signature des ailes d'un moustique », explique Ethan Jackson, directeur du projet Prémonition chez Microsoft. « Ensuite, nous allons faire sur place l'analyse de l'ADN du moustique pour voir l'évolution des zones où vivent les différentes espèces. On pourra aussi faire l'analyse des pathogènes qu'ils transportent. » Le projet Prémonition vise à prédire les épidémies de maladies transmises par les moustiques.



LE DÉFI DES VACCINS

La mise au point de vaccins anti-Zika fait des pas de géant, mais la prochaine étape, les essais sur le terrain, est problématique, selon Elizabeth Halloran, biologiste à l'Université Washington à St. Louis, qui collabore au programme anti-Zika de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). « Il faut cibler un endroit où il y aura assez de moustiques infectés pour que les analyses statistiques soient possibles. C'est difficile à prévoir, d'autant que la plupart des infections sont asymptomatiques. Nous pensons qu'il faudra entre 30 et 50 sites pour les essais cliniques, afin d'être sûrs d'avoir assez de sites adéquats. Ça sera assez coûteux. »



DES MIRACLES AVEC DES FILETS

Diminuer de 80 à 90 % la transmission de la dengue est possible, même sans la technologie moderne. De simples filets enduits de pesticides font l'affaire. « À court terme, c'est une excellente manière de protéger les populations urbaines », explique Gonzalo Vazquez-Prokopec, entomologiste de l'Université Emory, à Atlanta. « On l'a fait à Cairns, en Australie, à Mérida, au Mexique. Ça coûte cher en main-d'oeuvre, mais avec les progrès de l'analyse des grandes bases de données [big data], on pourra mieux cibler les quartiers à risque. Et il n'y a pas d'essais cliniques comme pour les vaccins ou de problèmes d'acceptabilité comme la biotechnologie antimoustique. » Protéger 30 % des foyers de cette manière réduit la transmission de la dengue de 90 %, selon M. Vazquez-Prokopec.

LE MYSTÈRE DE LA MICROCÉPHALIE

La grande priorité, en ce qui concerne le Zika, est de comprendre pourquoi le virus cause des anomalies congénitales dans les Amériques et pas en Afrique, selon Elizabeth Halloran, de l'Université Washington. « Sur plus de 200 000 cas confirmés, on n'a que 20 morts. Ce n'est pas l'Ebola. Mais il y a eu 2700 bébés nés avec des anomalies congénitales, dont la mère n'avait généralement pas été testée pour le Zika. Il faut arriver à protéger ces bébés, mais on ignore tout du mécanisme impliqué. » Au début du mois de mars, une étude américaine a montré que 5 % des femmes enceintes infectées avaient des bébés avec des séquelles neurologiques, généralement la microcéphalie. Le taux semble le même au Canada. À la fin de l'hiver, une équipe américano-brésilienne a montré que l'infection survenait très tôt durant la grossesse, quand l'ovule fécondé était encore composé de cellules souches indifférenciées.



MOUSTIQUES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Lors des dernières élections américaines, en novembre dernier, les habitants d'un comté de l'archipel des Keys, en Floride, ont approuvé le premier test de moustiques génétiquement modifiés de la société britannique Oxitec, dont la progéniture meurt avant de devenir adulte. « Tous les yeux sont tournés vers Oxitec », explique Nicholas Jewell, biologiste de l'Université de Californie à Berkeley qui teste une autre approche du génie génétique, une bactérie antivirale introduite dans le moustique. « Les tests dans les pays en voie de développement ont montré que le génie génétique fonctionnait pour éradiquer des maladies comme la dengue ou le Zika. Mais il faut que les populations acceptent le concept. Si les Américains y souscrivent, la partie est gagnée. »



LE ZIKA AU CANADA



• 507 : nombre de cas confirmés de Canadiens qui ont attrapé le Zika en voyage

• 3 : nombre de cas confirmés de Canadiens qui ont attrapé le Zika lors d'une relation sexuelle

• 35 : nombre de cas confirmés de Canadiennes qui ont été infectées par le Zika durant une grossesse

• 2 : nombre de bébés canadiens qui sont nés avec une anomalie congénitale à cause du Zika

SOURCE : Agence de santé publique du Canada