Les autorités médicales devraient être plus sévères avant d'approuver des essais cliniques, selon une nouvelle étude montréalaise publiée ce matin dans la revue Nature. Des essais cliniques sur des molécules aux perspectives incertaines gaspillent des ressources et font courir des risques aux volontaires, comme l'a montré la mort de cinq personnes dans un essai clinique en France l'an dernier.

«Je m'intéresse aux débuts de la recherche sur un nouveau médicament», explique Jonathan Kimmelman, bioéthicien de l'Université McGill et auteur principal de l'essai. «À ma grande surprise, j'ai découvert que lors des premiers essais sur les humains, les autorités réglementaires se penchent sur les risques potentiels à partir des résultats sur les animaux, mais pas sur les perspectives que le médicament soit efficace. Il faudrait que ces perspectives d'efficacité soient évaluées avant d'autoriser une étude clinique.»

Il y a un an, un volontaire est mort et quatre autres ont eu des séquelles neurologiques lors d'un premier test sur les humains d'une molécule interagissant avec le système nerveux, à Paris. Selon un rapport des autorités françaises, la firme française d'essais cliniques n'aurait pas reçu de la société pharmaceutique portugaise ayant inventé la molécule des informations sur des effets négatifs sur la santé des singes des essais cliniques antérieurs. La molécule portugaise ne semblait pas non plus très efficace, selon des documents consultés par M. Kimmelman.

De tels cas sont-ils fréquents? «On ne le sait pas, à cause des ententes de confidentialité que signent les autorités réglementaires, dit le bioéthicien montréalais. Les autorités européennes ont fini par dévoiler des chiffres après la mort du volontaire à Paris, mais il n'y en a pas pour le Canada ou les États-Unis.»

Les sociétés pharmaceutiques ne font-elles pas déjà une évaluation interne des perspectives de succès d'une nouvelle molécule? « Les autorités réglementaires se disent que les compagnies ne feront pas de tests s'il n'y a pas de bonnes perspectives de succès, note M. Kimmelman. Ensuite, les comités d'éthique universitaires qui approuvent les essais cliniques se disent que les autorités ont fait l'évaluation de l'efficacité. Donc, personne ne vérifie si les compagnies font leurs devoirs. Tester une molécule qui n'a pas de bonnes chances de succès, c'est exposer des gens à des risques inutiles et c'est gaspiller de l'argent à un moment où les médicaments coûtent déjà très cher. Si les autorités évaluaient elles-mêmes l'efficacité potentielle des nouvelles molécules, on ferait moins d'essais cliniques, et les médicaments coûteraient moins cher.»