C'est sans doute la cicatrice la plus spectaculaire que porte la Terre. Il y a 66 millions d'années, une météorite géante a percuté notre planète de plein fouet, libérant une énergie équivalant à des milliards de bombes atomiques. L'impact a décimé les dinosaures, permis l'apparition de l'être humain... et creusé un immense cratère au fond duquel des scientifiques veulent maintenant creuser. Coup d'oeil sur une expédition qui pourrait révéler des surprises.

L'impact

C'était il y a 66 millions d'années. Et pour la Terre et ses habitants d'alors, disons que ce fut une grosse journée. Fonçant à quelque 70 000 km/h, une météorite grande comme une ville s'est abattue pas très loin de ce qui s'appelle aujourd'hui Cancún, au Mexique. Quantité d'énergie libérée : plus d'un milliard de fois celle des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki combinées. Mégatsunamis, tremblements de terre, incendies, nuages de poussière qui ont recouvert la planète pendant des années : l'impact fut tel qu'il a décimé 75 % des êtres vivants, dont les dinosaures. « C'est un événement particulièrement destructeur - même si, au bout du compte, nous sommes probablement ici parce qu'il a permis à d'autres formes de vie d'émerger », dit Sean Gulick, chercheur en géophysique à l'Université du Texas à Austin et cochef scientifique d'une expédition qui vient d'être lancée pour en savoir plus sur cet événement.

Le cratère

La Terre porte toujours la marque de cette catastrophe : un cratère géant de 200 km de diamètre, dont une portion se trouve sur la terre ferme et une autre sous le golfe du Mexique. Le cratère de Chicxulub, baptisé selon la petite ville mexicaine qui se trouve aujourd'hui à proximité, est l'un des trois plus grands cratères d'impact de la planète. C'est surtout le mieux préservé et le seul qui soit lié à une extinction massive d'êtres vivants.

L'expédition

Cette semaine, un bateau de recherche bien particulier est arrivé au-dessus du cratère. Sous la coque, trois immenses pattes se sont déployées. Lorsqu'elles toucheront le fond de l'océan, elles soulèveront le bateau, qui se transformera alors en plateforme de forage. Objectif : creuser 1,5 km sous le fond de la mer pour ramener une longue carotte de roc provenant du cratère. « Ça commence à devenir très excitant », lance le professeur Gulick, qui rêve de cette expédition depuis 1999. La mission est une collaboration internationale, notamment européenne et américaine. Elle coûtera 10 millions, durera deux mois et devrait permettre de recueillir des échantillons qui occuperont une armée de scientifiques pendant des années.

La mort des dinosaures

Comment la vie revient-elle sur les lieux d'une catastrophe comme celle qui a frappé le Yucatán ? Comment le roc se comporte-t-il lors d'une collision d'une telle violence ? Comment le climat est-il perturbé ? Les questions auxquelles les chercheurs espèrent répondre grâce à la mission sont légion. Et selon le professeur Gulick, il est loin d'être impossible qu'on démystifie une fois pour toutes le sort qu'ont connu les dinosaures. Car s'il existe aujourd'hui un consensus pour dire que leur disparition correspond à l'arrivée de la météorite, on comprend encore mal par quel mécanisme exactement ils sont tous morts. « On pense pouvoir le savoir en observant quels sont les premiers organismes qui ont occupé le site après l'impact, explique le professeur Gulick. Si on comprend comment la vie est revenue, on pourra en savoir plus sur les conditions qui ont régné sur place et sur la façon dont elles ont évolué. »

Le mystère de l'anneau

Une autre grande question concerne les montagnes qu'on trouve souvent à l'intérieur des grands cratères, dont celui de Chicxulub. Ces montagnes forment un anneau autour du centre. On les observe aussi sur la Lune et sur les autres planètes rocheuses. « Quand un impact comme celui de Chicxulub survient, le roc devient pratiquement comme un fluide visqueux. Il y a formation d'un trou, il y a de la matière qui éclabousse, mais on ne comprend pas précisément comment se forme l'anneau central », explique le professeur Gulick. L'expédition représente donc une occasion unique d'analyser la composition de ces montagnes et de comprendre la physique de l'extrême qui les a fabriquées.