La sonde européenne Rosetta a découvert de l'oxygène en abondance dans l'atmosphère de la comète Tchouri, «une surprise totale» pour les scientifiques qui pensent qu'il faudra peut-être revoir les modèles sur la formation du système solaire.

Cet oxygène moléculaire (O2) pourrait être plus ancien que notre système solaire, qui date de 4,6 milliards d'années, selon une étude publiée mercredi dans la revue britannique Nature.

«Il s'agit de la découverte la plus surprenante faite jusqu'à présent autour de la comète» 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, escortée depuis quinze mois par Rosetta, a estimé Kathrin Altwegg, de l'Université de Berne (Suisse), l'un des auteurs de l'étude.

C'est la première fois que l'on trouve du dioxygène - plus couramment appelé oxygène moléculaire - dans une comète, même si il a été détecté dans d'autres corps célestes glacés comme les lunes de Jupiter ou de Saturne.

«Il va peut-être falloir modifier nos modèles actuels sur la formation du système solaire car pour le moment ils ne prévoient pas la présence d'oxygène moléculaire dans une comète», a déclaré à l'AFP André Bieler, de l'Université du Michigan, coauteur de l'étude. Kathrin Altwegg est du même avis.

L'oxygène moléculaire est très difficile à observer à distance, par exemple depuis la Terre.

Le spectromètre Rosina, l'un des instruments clef de la mission Rosetta, a réalisé des mesures des gaz entre septembre 2014 et mars 2015 alors que la comète 67P se rapprochait du Soleil.

Rosina a trouvé en moyenne près de 4% d'oxygène moléculaire (rapporté à la vapeur d'eau H2O) dans le nuage qui forme la queue de la comète, selon l'étude. Ce pourcentage est parfois monté jusqu'à 10%.

«C'est vraiment beaucoup!», s'exclame André Bieler. Cela fait de l'oxygène le quatrième gaz de la comète, en importance, après la vapeur d'eau (H2O), le monoxyde de carbone et le dioxyde de carbone.

«Nous pensons que cet oxygène est "primordial", c'est-à-dire qu'il est antérieur à notre système solaire», relève le chercheur.

«Ne pas tirer trop vite des conclusions»

La surprise des scientifiques tient au fait que l'oxygène est très réactif chimiquement et qu'il se transforme facilement.

Pour avoir pu survivre en l'état, «il a fallu qu'il soit incorporé dans la comète avec douceur», explique le chercheur. Il a pu être emprisonné dans des grains de glace.

«Si l'oxygène n'a pas bougé en dépit de la formation du système solaire, c'est qu'il n'a pas chauffé», déclare à l'AFP l'astrophysicien Francis Rocard, responsable du programme Rosetta au CNES, l'agence spatiale française.

La découverte de Rosina «apporte une contrainte forte sur le mécanisme de formation du système solaire», notamment en ce qui concerne les températures, reconnaît M. Rocard. «Mais il ne faut pas tirer trop vite des conclusions», ajoute-t-il.

La présence d'oxygène sur Tchouri et peut-être sur d'autres comètes n'a «pas d'implications directes sur l'apparition de la vie sur Terre», a tenu à souligner Kathrin Altwegg lors d'un point de presse organisé par Nature.

Tchouri, qui a atteint son point le plus proche du Soleil (périhélie) à la mi-août, s'éloigne désormais de celui-ci.

Rosetta se trouve à 270 millions de kilomètres de la Terre. Munie d'une dizaine d'instruments elle continue à travailler et à engranger de nombreuses données.

En revanche le petit robot-laboratoire Philae, installé sur la comète depuis mi-novembre 2014, est muet depuis trois mois. Et le bol d'oxygène sur la comète ne peut rien pour lui...

Le but de la mission Rosetta est de mieux comprendre l'évolution du système solaire depuis sa naissance, les comètes étant considérées comme des vestiges de la matière primitive.

L'aventure de Rosetta, qui voyage depuis plus de onze ans dans l'espace, devrait se terminer en septembre 2016. À cette date, l'ESA a prévu de la faire se «poser» le moins rudement possible sur Tchouri où elle retrouvera Philae qui sera alors endormie depuis longtemps.