Le premier pas de l'homme sur la Lune en 1969 a fait rêver toute une génération qui imaginait l'homme sur Mars au début du 21e siècle, mais les vols habités se sont limités depuis à la banlieue de la Terre, regrettent des témoins de l'exploit d'Apollo 11.

Huit ans s'étaient écoulés entre le vol du premier homme dans l'espace, le Russe Youri Gagarine, en avril 1961, et l'arrivée de l'homme sur la Lune.

«J'imaginais que, de mon vivant, on aurait colonisé la Lune et marché sur Mars», raconte Ivan Corneau qui avait 11 ans lorsque l'Américain Neil Amstrong avait posé le pied sur la Lune le 20 juillet 1969. «Et je croyais que j'aurais la possibilité de voir la Terre» depuis l'espace, ajoute ce quinquagénaire, qui regrette le désintérêt actuel des jeunes pour les sciences.

«Marqués par des bandes dessinées ou par le film de Stanley Kubrick «2001: l'Odyssée de l'espace», les adolescents des années 60 évoquaient des «spatioports» et de gigantesques stations spatiales.

«À l'époque, je croyais qu'on aurait conquis Mars et établi des villages sur la Lune» quarante ans plus tard, confie Jean-Pierre Tixier, informaticien, qui avait 22 ans en 1969.

Plus pragmatique, Guy Tournayre, ancien technicien de France Telecom, alors âgé de 33 ans, estime que compte tenu des sommes investies pour arriver sur la Lune, «cela ne semblait pas pouvoir continuer à la même vitesse». Une fois atteint cet «objectif superpolitique, lié à la Guerre froide, cela allait se tasser» forcément, dit-il.

En mai 1961, le président John F. Kennedy avait fixé comme objectif de «mettre un Américain sur la Lune avant la fin de la décennie». Pour y parvenir, la Nasa avait reçu jusqu'à 5% du budget fédéral américain au milieu des années 60.

Dès le départ, le projet Apollo était «par nature sans lendemain», analyse André Lebeau, ancien président du Centre national (français) d'études spatiales (CNES). D'autres «solutions techniques» plus pérennes auraient pu être utilisées «si les Américains avaient considéré qu'ils disposaient de deux ou trois années de plus», a-t-il expliqué à l'AFP.

Après un premier pas présenté comme «un bond de géant pour l'humanité», le programme Apollo s'est même achevé prématurément, les trois dernières missions prévues ayant été supprimées, après le vol d'Apollo 17 en décembre 1972.

L'équipement informatique d'Apollo «a alors été mis à la ferraille, y compris les fusées Saturne», rappelle M. Lebeau.

«La cessation brutale des financements, lorsque le but a été sur le point d'être atteint, a produit des dégâts stratégiques dont les effets se font encore sentir aujourd'hui», regrette Mike Griffin, qui vient de quitter la tête de la Nasa.

«Les quinze prochaines années vont pour l'essentiel être consacrées à recréer les capacités que nous avons eues par le passé et que nous avons mises au rebut», alors que «nous serions sur Mars aujourd'hui» si d'autres choix avaient été faits, relevait-il dans un essai publié en 2007 dans la revue Aviation Week.

Au cours des trois dernières décennies, l'homme est resté confiné dans la proche banlieue de la Terre, en orbite basse, mais «l'exploration du système solaire se poursuit depuis le début des années 60 avec des sondes automatiques et cela se passe très bien», souligne l'astrophysicien Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du système solaire au CNES.

Et cela pour un coût bien moindre que des vols habités quand le prix du kilogramme mis en orbite lointaine se chiffre en dizaines de milliers d'euros.