Il est encore trop tôt pour dire qu'il s'agit bien du boson de Higgs mais les physiciens du CERN ont applaudi debout mercredi matin la découverte d'une nouvelle particule «compatible» avec ce chaînon manquant de la physique des particules, qu'ils traquent depuis des décennies.

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Le boson de Higgs, insaisissable car extrêmement instable, est considéré par les scientifiques comme la clef de voûte de la théorie du «Modèle standard» définissant la structure fondamentale de la matière.

Loin de prétendre à un rôle divin, le boson de Higgs doit son surnom de «particule de Dieu» à un livre dont l'éditeur américain avait changé le titre.

Le prix Nobel de physique Leon Lederman voulait titrer the Goddamn particle (la fichue particule) pour exprimer la frustration de recherches vaines jusque là. Et l'éditeur a coupé «damn», craignant peut-être que «goddamn» soit perçu comme injurieux.

Peu importe qu'ils aient réellement mis la main sur cette «fichue particule» expliquant pourquoi d'autres particules élémentaires ont une masse, ou sur une autre encore plus «exotique» ouvrant la porte à de nouvelles théories. La joie et le soulagement se lisaient sur les visages de tous les physiciens qui assistaient au séminaire organisé à Genève par l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN).

Photo AFP

Peter Higgs

«Je n'aurais jamais espéré voir cela de mon vivant, et je vais demander à ma famille de mettre du champagne au frais», a lancé le Britannique Peter Higgs qui, dès 1964, avait postulé l'existence du boson portant son nom, avec ses collègues belges Robert Brout (mort en 2011) et François Englert, assis juste à côté de lui, les larmes aux yeux.

«Nous avons franchi une nouvelle étape dans notre compréhension de la nature», a déclaré le directeur général du CERN, Rolf Heuer, visiblement très fier du travail accompli.

Pour le président de l'Institut britannique de physique, Peter Knight, «la découverte du Higgs est aussi importante pour les physiciens que la découverte de l'ADN le fut pour les biologistes».

Mais peut-on vraiment dire qu'on a trouvé le boson de Higgs?

«Si j'étais un profane, j'aurais dit que nous l'avons trouvé», a assuré Rolf Heuer lors d'une conférence de presse.

«Mais en tant que scientifique, je me dois de dire que nous avons trouvé quelque chose. Nous avons découvert un boson et maintenant nous devons déterminer de quel genre de boson il s'agit», a-t-il insisté.

«On saura à qui on a à faire»

Depuis 1964, plusieurs variétés de bosons de Higgs ont été proposées par les théoriciens.

En vérifiant les propriétés de la nouvelle particule, «on saura à qui on a à faire. Est-ce bien le boson de Higgs tel que décrit par le Modèle standard ? Si oui, il devrait être produit à une fréquence bien précise et se désintégrer de façons bien établies», explique à l'AFP Pauline Gagnon, de l'expérience Atlas du CERN.

Chaque modèle de boson de Higgs se désintégrerait en effet de manière distincte, produisant des signaux différents pour chaque cas de figure, un peu comme les multiples façons de rendre la monnaie sur une pièce d'un euro.

«Je peux vous donner 2 pièces de 50 centimes, ou 10 pièces de 10 centimes, ou 1 fois 50, 2 fois 20 et 2 fois 5. Chaque façon de faire la monnaie représente un canal de désintégration. Pour le boson de Higgs, la fréquence est pré-déterminée», souligne Mme Gagnon.

Les chercheurs pensent pouvoir en dire plus d'ici la fin de l'année.

La découverte s'est jouée au coeur du Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, le plus grand accélérateur de particules au monde.

C'est dans cet anneau de 27 km de circonférence situé à 100 mètres sous terre que les physiciens font s'entrechoquer des milliards de protons en espérant trouver la trace du boson dans les débris, une cascade de particules, à l'aide de myriades de détecteurs.

En décembre dernier, la cachette du boson de Higgs s'était déjà singulièrement réduite, les deux expériences indépendantes en cours au LHC (Atlas et CMS) pointant vers une région comprise entre 124 et 126 gigaélectron-volts. Une zone désormais confirmée et précisée.

Mais la marge d'erreur restait bien trop importante pour permettre aux chercheurs d'affirmer formellement avoir «découvert» le boson et ils avaient dû se contenter d'évoquer une simple «indication» sur sa présence.

Grâce à des milliards de collisions supplémentaires au printemps, CMS et Atlas ont cette fois atteint une fiabilité suffisante: 99,99995%.