L'armée libanaise a pris lundi soir le contrôle du quartier général des partisans d'un cheikh radical sunnite à Saïda (sud), après la mort de 16 soldats dans des combats qui illustrent les tensions croissantes liées au conflit en Syrie voisine.

Il s'agit de l'incident le plus grave au Liban depuis le début du conflit en Syrie, qui divise profondément le pays entre partisans, en majorité chiites, et opposants, en majorité sunnites, du régime syrien.

Les combats ont éclaté dimanche, lorsque les partisans du cheikh Ahmad al-Assir ont attaqué un barrage de l'armée à Abra, en banlieue de Saïda, avant de se retrancher dans leur QG, la mosquée où le cheikh dirige la prière et les immeubles environnants.

L'armée, qui avait promis d'«en finir» avec le cheikh Assir «jusqu'au retour de la sécurité» à Saïda, a repris le secteur lundi soir, après avoir perdu 16 hommes dans ces affrontements à la mitrailleuse et à la roquette.

Le gouvernement a annoncé une journée de deuil national mardi pour les soldats tués.

Un correspondant de l'AFP a pu entrer à l'intérieur de ce périmètre que le cheikh Assir avait vraisemblablement fui.

Selon son frère, il avait pourtant promis d'y rester «jusqu'à la dernière goutte de sang».

Des cadavres gisaient sur le sol et des armes étaient abandonnées.

De son côté, une source proche du cheikh a fait état d'au moins cinq morts et 10 blessés parmi ses partisans.

Les ambulances ont amené 94 blessés dans les hôpitaux au cours des dernières 24 heures, a indiqué la Croix-Rouge à une télévision locale.

Selon le correspondant de l'AFP, un calme précaire régnait aux abords du lieu de culte, tandis que les soldats aidaient des civils, dont des femmes et des enfants, à quitter leurs immeubles dont certains n'étaient pas sortis durant deux jours.

Les façades et les voitures aux alentours portaient des impacts de tirs.

À l'origine de ces scènes de guérilla urbaine: le cheikh Assir, un parfait inconnu il y a deux ans qui doit sa notoriété à son discours résolument hostile au Hezbollah chiite, engagé aux côtés du régime syrien face aux rebelles, en majorité sunnites.

Controversé en raison de sa rhétorique violente et sectaire, il a su jouer sur la frustration des sunnites du Liban qui voient d'un mauvais oeil la puissance armée du Hezbollah, mais sans toutefois recevoir l'appui de la majorité de sa communauté.

Il s'en est pris récemment très violemment à l'armée, l'accusant de faire le jeu du parti chiite en restant les bras croisés face à son implication en Syrie.

Cette attaque contre des soldats vise «à mettre le feu aux poudres à Saïda (...) et à faire entrer le Liban de nouveau dans un cycle de violences», a accusé l'armée, en référence à la guerre civile de 1975.

La justice a lancé lundi des poursuites contre le cheikh Assir et 123 de ses partisans, dont son frère et un chanteur devenu militant islamiste, Fadl Chaker.

Mais des hommes politiques sunnites, dont le premier ministre Najib Mikati, ont appelé l'armée à être «juste» et à désarmer tous les mouvements au Liban, y compris le Hezbollah.

Les combats à Saïda ont fait craindre un dérapage général dans le pays. À Tripoli, la grande ville à majorité sunnite du Nord, plusieurs hommes armés sont apparus dans les rues, ont tiré en l'air et mis le feu à un poste militaire dans le secteur sunnite de Bab el-Tebbané, selon une source de sécurité.

Beyrouth prône officiellement une politique de neutralité face au conflit syrien, mais celle-ci est mise à mal notamment depuis la participation du Hezbollah aux combats en Syrie.